Après la mort de son frère, l'abbé Louis-Marie quitta Tolède, pour se retirer à Torrejo.
Les yeux sans cesse tournés vers la France, il sentait plus vivement que jamais les douleurs de ce long martyre de l'exilé.
Un jour de semaine sainte, nous dit l'auteur de sa vie, il fut invité, dans une communauté religieuse, à chanter une des lamentations de Jérémie. Il le fit d'une voix si pleine d'émotion, que les larmes gagnèrent tout l'auditoire.
C'est qu'en gémissant avec le prophète sur les ruines de Jérusalem, il songeait à ces ruines sanglantes, dont la Révolution couvrait a France et la Vendée.
Enfin, l'horizon parut s'éclaircir et annoncer des jours moins désastreux. Monsieur Baudouin se décide à quitter la terre étrangère et fait ses préparatifs de départ.
À Tolède, il avait travaillé à l'état de passementier, afin de pouvoir, au besoin, obtenir un passeport d'ouvrier. Il s'en munit en effet, et au mois de juin 1797, il prit, avec Monsieur Lebédesque, le chemin de la France, à travers les plus grands dangers.
Comme il traversait une des villes de la frontière, des soldats républicains, frappés de son air éminemment ecclésiastique, fixèrent les yeux sur lui, et semblaient se disposer à l'arrêter.
Dans ce moment critique, le saint prêtre se recommande à Dieu, et apercevant, à la porte d'une maison, un petit enfant, il se tourne vers lui, comme s'il l'eût connu, et lui tend les bras. L'enfant sourit et court vers le voyageur, qui le caresse et l'embrasse. « C'est un habitant de la ville », se disent les soldats, et ils le laissent passer.
L'exilé remercie la Providence, qui vient de le sauver, et il continue sa route vers Bordeaux.
Dans cette ville, sa vie fut de nouveau mise en péril.
Il logeait chez un de ses anciens condisciples, l'abbé Micheau, revenu d'Espagne quelques temps auparavant.
Un jour, les agents de la police, soupçonnant qu'il y avait quelque personne suspecte, cachée dans la maison de Madame Micheau, vont y faire une visite domiciliaire, pendant que Monsieur Baudouin s'y trouvait avec son ami. Les deux prêtres se blotissent près d'une balustrade. Madame Micheau se hâte de jeter sur eux un tapis, puis elle paraît avec une calme assurance devant les agents, leur fait de grandes civilités, et les prie de prendre quelques rafraîchissements.
Ceux-ci acceptent, et jugeant inutile de faire des perquisitions chez une dame où ils sont si bien reçus, ils se contentent de jeter un coup d'œil autour d'eux et ils se retirent.
Ne se croyant plus en sûreté dans la ville de Bordeaux, l'abbé Baudouin, accompagné de Monsieur Lebédesque, se retire à Libourne, et quelques jours après, ils prenaient tous deux passage sur un bâtiment qui faisait voile pour les Sables.
Pour mieux se dérober à la surveillance républicaine, l'abbé Louis-Marie fit la traversée caché au fond d'un tonneau.
Dans la nuit du 14 au 15 du mois d'août, les deux exilés abordaient aux Sables-d'Olonne, où notre récit les retrouvera, dans une autre phase de la persécution (
1).
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(1)
Vie du R. P. Baudouin, T. I, pp. 30-50.
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