L'Action française est animée par une double préoccupation : elle entend préparer la restauration de la monarchie et, dans l'attente du retour du roi, oeuvrer pour la défense de l'intérêt national..

1. La restauration de la monarchie

C'est en jugeant les institutions selon leur capacité de faire vivre la nation française ou de la conduire à la décadence que les fondateurs de l'Action française ont conclu à la nécessité de restaurer la monarchie. Le nationalisme conduit logiquement au royalisme. La France est le fruit de la politique capétienne, poursuivie durant plus de huit siècles. Aujourd'hui, la monarchie conférerait à l'État des qualités bénéfiques :

  • L'unité, sans laquelle il ne saurait y avoir d'autorité véritable et qui est indispensable pour garantir l'indépendance nationale. Au contraire, la démocratie divise les français et entretient un état de guerre civile larvée. Les intérêts supérieurs du pays sont sacrifiés aux luttes partisanes.
  • La continuité et les successions paisibles, conséquences de l'hérédité du pouvoir. Ainsi des objectifs à long terme peuvent-ils être atteints. La continuité du pouvoir monarchique durant huit cents ans contraste avec l'instabilité institutionnelle des deux derniers siècles.
  • L'indépendance. Elle est la qualité d'un régime qui ne repose pas sur l'élection, laquelle lie le pouvoir à l'opinion publique, l'obligeant à pratiquer une démagogie éhontée pour recueillir des suffrages. Le régime électif est ainsi obligé de centraliser l'administration du pays. Il détruit les libertés locales, municipales, régionales, professionnelles, toutes ces petites républiques à qui le Roi permettait de vivre et de s'organiser librement. Dégagé des soucis électoraux, il serait en situation d'être un arbitre.
  • La responsabilité. Les intérêts dynastiques et personnels du Roi se confondent avec les intérêts nationaux, tandis que le pouvoir démocratique dilue la responsabilité dans des majorités et des scrutins.
  • La légitimité. C'est-à-dire un pouvoir s'exerçant en vue du seul bien commun, indépendant des groupes d'intérêts et des puissances d'argent. L'État royal puise sa légitimité dans l'histoire et les services qu'il a rendus au pays au cours des siècles. Il n'y a pas de légitimité en démocratie puisque le pouvoir est le fruit des compétitions électorales et que les partis l'exercent selon les caprices de l'opinion.

Ces vérités politiques, que la réflexion découvre, sont confirmées par l'histoire. La monarchie traditionnelle, chrétienne, héréditaire, décentralisée et représentative a fait la France et l'a conduite à son apogée.

Le bilan des régimes démocratiques, Républiques ou Empires, est autrement lourd : nombreuses invasions depuis 1792, perte de l'empire colonial français, instabilité constitutionnelle, luttes intestines et révolutions, affaiblissement général de la France.

L'Action française travaille donc à changer les institutions politiques. Ayant condamné le régime républicain, elle s'emploie à en débarrasser la nation. Ayant reconnu dans la monarchie la vérité historique de la France, elle s'efforce de la restaurer en la personne du Chef de la Maison de France.

2. La défense de l'intérêt national

Royalistes parce que nationalistes, les adhérents de l'Action française, s'appliquent à défendre l'héritage en l'absence de l'héritier. Ils essaient de limiter les méfaits républicains en les dénonçant par la propagande et en les combattant par l'action.

Ils pratiquent à l'occasion le "compromis nationaliste", c'est-à-dire l' entente avec tous les patriotes pour mener telle ou telle campagne d'intérêt public.

Parce que la nation constitue le plus vaste des cercles communautaires qui soit, au temporel, solide et complet, lAction française défend la France et ses prolongements outre-mer contre toutes les agressions intérieures et extérieures.

En conclusion, l'Action française convie tous les français à se rassembler sur le seul terrain politique afin de sauvegarder la nation française et lui rendre les institutions qui garantiront sa pérennité. Seule la monarchie répond aux besoins d'autorité, de libertés et de représentation du pays réel et peut permettre à la France de faire face aux enjeux du monde moderne.



Notre nationalisme

Par Pierre Lafarge

Le NON au référendum du 29 mai dernier a procédé de désirs plus ou moins conscients d’un retour à la nation. Néanmoins il demeure, même chez les souverainistes déclarés, une réticence à se réclamer du nationalisme. Cette réserve provient essentiellement d'une méconnaissance des véritables fondements du nationalisme français et de confusions qu'il est urgent de dissiper.

Il existe deux versions libérales du nationalisme, deux modes d’érection de la nation en individu : le nationalisme jacobin, qui postule l’égalité de toutes les nations et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, quelles qu’en soient les conséquences, fussent-elles les plus catastrophiques, le nationalisme allemand ensuite, qui est un impérialisme, un panisme (1) (le "pangermanisme"). Nous récusons ces deux formes d’expression nationale, qui portent en elles des germes pouvant se révéler désastreux.

Faux modèles

Il faut d’abord écarter le modèle allemand, la nation organiciste, fondée sur le sang et la culture, d’Herder et de Fichte (Discours à la nation allemande), qui est une vision forgée dans un objectif politique précis : le pangermanisme. Elle postule que les nations sont des individus puisque comme le résume Louis Dumont, « Herder transforme l’individualisme […] au plan d’identités collectives ». L'Allemagne devient pour Fichte la seule vraie patrie (Heimat), le seul vrai peuple, destiné qu'il est à guider l'Humanité. Comme l'écrivait Maurras, qui refusait, lui, de déifier la nation : « On a vu d'autres nations se décerner le rang divin, une déesse Rome, une déesse France, une sainte Russie, se loger elles-mêmes dans la niche sacrée. Elles n'ont rien à voir avec l'apothéose, que dédia Fichte à la sienne, l'endemain d'Iéna, pendant qu'il y avait un gouverneur français à Berlin. Aucune nation n'aura prétendu comme celle-ci aux attributs exclusifs du Dieu unitaire et métaphysique, de l'absolu juif et chrétien ; seule, la mère Germanie aura survolé Olympe ou Walhalla pour s'asseoir au plus haut des cimes en se proclamant l'Identique au vrai, au beau et au bien. Ne parlons pas du Messianisme d'un peuple de Dieu, le modèle juif est encore dépassé, disons : le Peuple-Dieu ». On sait sur quelles conséquences terrifiantes et meurtrières ont débouché ces théorie allemandes au XXe siècle.

Notre nationalisme ne procède pas non plus, n’en déplaise à Jean de Viguerie, de la vision jacobine et abstraite de la nation-contrat, issue en droite ligne de Rousseau et de Siéyes, que rejoint Ernest Renan dans sa célèbre conférence Qu’est-ce qu’une nation ? (1882) lorsqu’il fait de la nation « un plébiscite de tous les jours ». Cette définition jacobine, volontariste et idéologique de la nation conduit là encore à une absolutisation dont s'est toujours gardée l'école contre-révolutionnaire.

Ces deux formes de nationalisme dévoyé s'accompagnent de principes destructeurs de l'ordre international : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et le principe des nationalités, tant défendus par Napoléon III et qui furent si utiles à Hitler dans l'affaire des Sudètes. On en a encore récemment vu les conséquences dramatiques en Yougoslavie. Nous ne sommes pas égalitaristes, donc nous ne nous voilons pas la face : toutes les nations ne se valent pas et le fait que certaines n'accèdent pas à la souveraineté (comme dans l'empire austro-hongrois) peut éviter bien des malheurs à leurs propres membres.

Un État peut avoir des droits et des devoirs historiques sur des régions à fort particularisme. C'est le cas en France : Corse, Bretagne, Alsace... Parler de "nationalisme corse" est donc une aberration journalistique. Ce ne sont pas des nationalistes mais des séparatistes.

Synthèse maurrassienne

Le nationalisme de Maurras est issu, via la médiation de son ami Frédéric Amouretti (2), de la définition de la nation comme communauté politique formulée par l’historien Fustel de Coulanges (3) dans sa lettre à Mommsen d’octobre 1870, à l’occasion du débat sur l’appartenance nationale de l’Alsace : « Ce qui distingue les nations, ce n’est ni la race, ni la langue. Les hommes sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances. Voilà ce qui fait la patrie. »

Une communauté politique, ne se décrète pas, elle se constate. Pour Maurras la nation constitue « le plus vaste des cercles communautaires qui soient, au temporel, solides et complets ». La nation est ici une communauté historique et politique naturelle. Il serait dangereux pour ses membres de la remettre en cause, puisque ce serait se détacher du réel au profit d’utopies dont la construction européenne est le meilleur exemple.

Pour Maurras, la nation demeure la voie d'accès privilégiée à l'universel : « Pour rêver à la monarchie universelle et pour s'élever jusqu'à la sphère métaphysique de la Cité de Dieu, Dante n'en est pas moins l'exact citoyen de Florence ; Sophocle l'Athénien et Sophocle l'universel ne sont pas deux figures contraires qui s'excluent mais bien le même personnage. Et ainsi de Goethe à Weimar, dans la mesure où ils atteignent le génie classique. »

Loin d'être un enfermement, l'enracinement national est une condition d'ouverture de l'homme au monde. Comment apprécier les autres cultures nationales si on ne connaît pas d'abord la sienne ? L'appartenance nationale est une, mais pas la seule, des identités constitutives de la personne humaine.

Accès à l'universel

La particularité du nationalisme maurrassien est d'avoir articulé nationalisme et royalisme en un "nationalisme intégral" c'est à dire à la nécessité pour la nation française de retrouver un régime monarchique seul garant à long terme, du salut public. Il a expliqué ce cheminement dans Pour un jeune Français (1949) : « La France, l'Unité française, Unité de quoi ? Unité de langue ? De bons Français, Alsaciens, Flamands, Bas-Bretons, Basques, Corses différaient de langue. La langue d'oc était une langue française, il y en avait au moins deux ! L'unité de langue nous manquait donc. Notre race était-elle une ? Moins encore, de toute évidence. La religion ? Non plus [...] Nous ne pouvions pas nous fier, comme l'aurait voulu Renan, à l'arbitraire de nos volontés conscientes : elles laissaient à la merci de reniements et de rupture la chose même qu'il s'agissait d'en préserver ; la plus forte habitude de la vie commune ne sauverait pas d'un divorce. Où donc placer une sauvegarde de l'Unité nationale qui rende compte de ses droits et de nos devoirs ? J'entrevoyais bien ce qui me satisfaisait mal. Notre longue fraternité pouvait ne pas sortir d'une cause unique comme la langue, la race, la religion, mais résulter de la convergence de leurs accords successifs, capitalisés. Encore fallait-il trouver le principe de l'ordre de ces accords ! ». Ce principe, Maurras le trouvera dans le lent et acharné travail politique de nos rois, véritable matrice millénaire du fait national français.

Maurras n'a eu de cesse de critiquer le nationalitarisme (terme forgé par René Johannet) c'est à dire le nationalisme offensif, expansionniste et idéologique. Son nationalisme reste exclusivement défensif. Jamais l'Action française n'a réclamé l'annexion de la Wallonie, de la Suisse romande ou du Val d'Aoste (ce qui nous distingue de certains souverainistes jacobins) ! Elle n'a en revanche jamais transigé sur la défense de nos départements et territoires d'Outre-mer, qu'un déjà long passé commun unit à la métropole.

Classique, politique, réaliste, notre nationalisme n'a pas à rougir de ses fondements. À nous, royalistes d'Action française, d'expliquer et de démontrer à nos camarades souverainistes qu'il est de salut public. La véritable restauration de la souveraineté française sera acquise lorsque l'héritier des Capétiens sera monté sur le trône, lorsque la monarchie sera à nouveau instaurée en France.

(1) Panisme : terme forgé par les géopoliticiens pour caractériser une volonté de rassemblement politique sur un critère identitaire fort : panarabisme, panslavisme, panturquisme...

(2) Frédéric Amouretti (1863-1903) fut le secrétaire de Fustel de Coulanges avant de rédiger avec Maurras la Déclaration des félibres fédéralistes puis de collaborer à la Revue grise d'Action française.

(3) Sur Fustel et l'A.F. lire François Hartog, Le XIXe siècle et l'Histoire. Le cas Fustel de Coulanges, PUF, 1988.


Royalistes aujourd’hui

Par Jean-Philippe Chauvin

Aujourd’hui, malgré les efforts des militants monarchistes de toutes tendances, le royalisme semble presqu’invisible aux yeux de nos contemporains, baignés dans l’ambiance distractionnaire de la société de consommation, jadis rebaptisée (avec une certaine prescience) “consom-nation” par Louis Pauwels.

Cela se traduit par une marginalisation évidente dans le paysage politique français, aujourd’hui monopolisé par les tenants du “tout démocratique” et du “politiquement correct”. Cette situation gêne la perception des idées royalistes, trop souvent limitée, dans l’esprit de nos concitoyens, à quelques mondanités ou à des anecdotes, mélanges d’activisme et de folklore...

Nécessité pour la nation

Pourtant, au moment où la Ve République doit affronter les défis de la globalisation et de la logique globalitaire (néolibéralisme, idéologie consumériste, démocratisme élitaire...), au moment où les intelligences les plus vives ressentent un “malaise de civilisation” (prémisses d’une crise ?), l’idée d’une instauration monarchique, si elle apparaît certes lointaine (autant dans le passé que pour l’avenir), doit revenir dans le champ des possibles : la monarchie, au regard des données politiques et institutionnelles actuelles, reste (et sans doute, de manière plus précise, redevient) nécessaire pour notre nation aujourd’hui moins sûre d’elle-même et fragilisée par des forces externes (diplomatie états-unienne, règlementarisme européen...) et internes (ethno-nationalismes séparatistes, communautarisme religieux ou sociologiques,...)

La Ve République pensait avoir résolu le problème des institutions en “monarchisant” la République (hommage du vice à la vertu, diraient certains...) mais cette monarchie incomplète qui, en fait, semble plutôt avoir été, du temps du général De Gaulle, une forme française de “monocratie”, est aujourd’hui largement remise en cause par les diverses réformes constitutionnelles de ces dernières années, mais aussi par les diverses cohabitations qui se sont succédé depuis 1986 (trois en quinze ans).

Quand nous évoquons la “monarchie nécessaire” nous la définissons d’abord comme un pouvoir “héréditaire” ou, plus justement successible, résumé par la formule traditionnelle Le roi est mort, vive le Roi. Comme le souligne Daniel de Montplaisir dans son ouvrage récent La Monarchie, « au regard de l’institution royale, l’hérédité constitue le mode normal d’accession au trône mais non au sens d’héritage patrimonial. Certains légistes considéraient que la Couronne n’était pas vraiment héréditaire mais plutôt statutaire. Car l’héritier la recueille selon la loi et ne peut en disposer à sa guise » (1).

Échapper au “choix”

Ce mode de succession apparaît comme la règle la plus simple, filiale et familiale, mais elle est difficile à faire admettre ou, simplement, à faire comprendre aujourd’hui où tout semble devoir être soumis à un “choix” (“pourquoi lui et pas moi ?”, “il faut choisir le meilleur” etc..) Sans doute est-ce une résultante de l’individualisme de masse, distillé et conforté par la démocratie marchande, dont Bernanos disait qu’elle était le meilleur instrument du capitalisme anonyme et anarchique.

N’hésitons pas à aller à contre-courant des idées reçues et des conformismes : l’hérédité est, non seulement le symbole, mais aussi le principe fort et actif de la Monarchie “à la française”. Ainsi, par cette succession institutionnelle du père au fils, la plus simple qui soit, le Roi, et l’État qu’il incarne le temps de son règne, échappent au “choix” : le roi n’a pas choisi de l’être, comme il n’a pas choisi de naître là, à un moment donné, fils de roi, donc appelé, statutairement, mécaniquement et naturellement, à ceindre, un jour, la couronne. Cela ne lui donne pas de droits mais lui fixe des devoirs, dont le premier est d’assumer sa charge monarchique, le jour venu.

Ce mode de succession a donc quelques forts arguments à faire valoir. Roland Mousnier mettait en avant l’argument historique : « L’hérédité n’a jamais produit une succession de rois aussi médiocres que celle des présidents de la IIIe République française (à une ou deux exceptions près), ce qui s’est terminé par l’effondrement de juin 1940, la plus grande catastrophe de l’histoire de France » (2).

La notion de service

Paul Vaute, à la suite de Gustave Thibon, avance des arguments plus psychologiques : « Le Roi est, en quelque sorte, consubstantiel à l’État [...] La monarchie gardienne des réalités humaines, repose sur la plus humaine des réalités : “Cette réalité que chacun peut constater, suggère Philippe du Puy de Clinchamps, est qu’il est du propre de l’homme, à de très rares exceptions près, de désirer transmettre à ses fils un héritage non seulement conservé, mais encore enrichi et mieux adapté aux nouvelles conditions posées par le temps qui a coulé [...] De cette évidence très charnelle découlent toutes les lois non écrites du royalisme” (3) » (4).

Il apparaît donc que la notion de “service” est au cœur même de la Monarchie royale, par le principe même de la succession héréditaire. Jean Jaurès évoquait, en une formule abrupte, mais en définitive réaliste et, tout compte fait, avantageuse, « l’égoïsme » royal qui forçait le roi à agir dans le sens de l’intérêt public et national.

Visage humain

Mais cela veut-il signifier que le monarque est toujours à la hauteur de sa charge ? Cela serait présomptueux et le royalisme n’est pas un charlatanisme électoral ou une “idéologie de la perfection” de l’homme nouveau et parfait, “total”... La monarchie est au contraire la reconnaissance, la prise en compte et parfois la pratique même des insuffisances humaines. L’homme est faillible, et le roi, comme tout homme, l’est, et il sait que les autres le sont : “il fait avec”, comme dit la formule. Il ne cherche pas à forger comme les totalitarismes ou les utopismes, un homme idéal ou, même, un monde idéal, il agit dans le sens de l’intérêt général, au-delà des particularismes et des individualismes et il ne peut que conserver l’humilité devant la nature et les faiblesses des personnes.

Un autre avantage de la succession héréditaire de la Couronne, c’est son caractère d’”anti-compétition”, comme le souligne Paul Vaute : « Une personne – mais aussi un couple, des enfants, une dynastie – dont le pouvoir n’est pas le fruit d’une lutte politique, qui n’a pas été fabriquée par l’état-major d’un parti, qui n’a pas percé à grands coups de marketing, qui ne peut être identifiée à un groupe social, un milieu culturel ou une région, qui défend en tout et toujours le bien commun : tel est le Roi. Il n’est pas nécessairement parfait – nul ne l’est – mais il n’est pas un parvenu. Il offre un visage humain bien nécessaire, indispensable même, à ces monstres froids que sont devenus les États dans le monde contem- porain » (5).

Détaché, de par son principe même, des contingences électorales, l’État royal préserve sa liberté d’action au sommet des institutions et, donc, peut au mieux assumer son rôle arbitral et s’imposer, pacifiquement, à tous comme garant suprême de la loi et des libertés publiques. Souvenons-nous de ce jour de février 1981 où le roi Juan Carlos, seul face à la caméra, son fils, le prince héritier, non loin de lui, en un discours d’une petite minute, a su désamorcer le coup d’État fomenté par des activistes militaires. S’il avait été l’élu d’un camp contre un autre, sa parole aurait-elle eu le même poids et le même impact ? On peut sérieusement en douter ! D’autres exemples, plus récents, en Thaïlande, au Maroc ou en Jordanie, confirment ce caractère d’”arbitrage suprême” de la monarchie, fût-elle elle-même “constitutionnelle”.

Un État “dégraissé”

De plus dans le cadre d’une “Monarchie active”, celle que Charles Maurras n’a cessé d’appeler de ses vœux et celle qui nous apparaît comme le moyen d’un équilibre institutionnel viable, le Roi apparaît comme l’incarnation d’un État libre, non pas étatiste, mais souverain et “allégé” d’un certain nombre de tâches rendues aux régions, aux administrations ou aux forces économiques.

Cet État “dégraissé”, « cet État aux chairs fermes », selon l’expression du sociologue Eric Denmat, s’avère alors la meilleure incarnation politique de la nation et de son unité.

Alors qu’en République, fût-elle “monarchique”, la décentralisation n’est pas toujours contrôlée au mieux et devient le “tremplin des féodaux”, elle trouve en la monarchie un État fédérateur, point d’unité et d’ancrage des régions à la nation et garantie des libertés provinciales. Alors que la République craint les États dans l’État, la monarchie, véritable trait-d’union entre les communautés de la nation, n’hésite pas à libérer les énergies et, surtout, à les ordonner pour l’intérêt commun.

Par la succession héréditaire, la monarchie inscrit son œuvre dans la durée et permet une politique à long terme. Elle accompagne le temps sans le dépasser, elle en fait un allié quand la République use les gouvernements et les présidences en quelques années... Cette maîtrise politique du temps assure ainsi la possibilité du renouvellement du personnel dirigeant, sans rupture brutale, comme on peut le constater aujourd’hui dans les monarchies marocaine ou jordanienne, par exemple.

D’autre part, la succession, le plus souvent prévisible par la simple connaissance des règles de succession du royaume, permet la préparation du futur souverain au “métier de roi”. Quand en République, les politiciens s’épuisent à conquérir le pouvoir, le futur roi, en monarchie, s’occupe à apprendre son métier, l’esprit libre et sans nécessité de manœuvre...

Prendre son temps

Dans un monde de plus en plus “pressé”, la monarchie offrirait à notre temps l’avantage de “pouvoir prendre son temps”. Elle rendrait aussi au Politique (aujourd’hui écrasé par l’Économique) sa dignité et son efficacité, sa fonction d’assurer la sûreté, la justice et les libertés. Sans être une solution miracle, elle permettrait à la France, puissance moyenne mais d’influence et d’équilibre, de retrouver les moyens de sa politique et le temps nécessaire pour l’assumer...

Reste à “faire la Monarchie”, tâche rude mais devant laquelle toute personne soucieuse de l’unité française et des libertés publiques ne peut s’abstenir. Conquérir peu à peu le “champ des possibles” commence par un travail humble de réflexion et d’action, par le service des autres et la diffusion des idées royalistes.

Et ne perdons pas de vue les Princes qui incarnent, non pas nos seules espérances, mais celles des générations françaises à venir...

(1) Daniel de Montplaisir : La Monarchie. Éd. Le Cavalier Bleu, 128 p, 2003.

(2) Roland Mousnier : Monarchies et royautés de la préhistoire à nos jours. Librairie académique Perrin, Paris,1989.

(3) Philippe du Puy de Clinchamps : Le Royalisme. Presses universitaires de France (Que Sais-je ?) n° 1259, 1967

(4) Paul Vaute : Voie royale. Éditions Mols (Belgique), 1998.

(5) Paul Vaute, Ibidem.