LA FÊTE DES SAINTS ANGES GARDIENS

(suite)

Il est vrai que saint Basile semble dire, sur le psaume XXXIIIe, que nous chassons de nous nos bons anges par nos méchantes actions, et ailleurs, qu'en péchant nous détruisons nous-mêmes cette haie de leur protection qui nous environnait. Mais la pensée de ce grand Docteur n'est pas que les anges gardiens abandonnent entièrement ceux qui leur sont donnés en garde, lorsqu'ils commettent quelque crime ; il veut dire seulement qu'ils s'éloignent d'eux pour un temps par une sainte horreur de leur dérèglement, sans cesser pourtant de veiller de loin à leur garde et de prendre des mesures pour leur conversion.

On peut encore demander en quel temps ces esprits charitables commencent d'exercer leur office à l'égard de ceux dont ils sont gardiens : si c'est seulement au moment où leur raison se délie, pour pouvoir agir librement et mériter; ou au temps de leur baptême, ou à celui de leur naissance, ou enfin à celui de leur conception.

L'assurance que Notre-Seigneur nous donne que les enfants ont leurs anges gardiens, doit nous persuader que cette garde commence avant l'ouverture de l'esprit et l'usage de la raison. Il n'y a point non plus de sujet de la différer jusqu'au temps du baptême, puisque les infidèles, qui n'ont point reçu ce sacrement, ne laissent pas de participer à ce bienfait ; un des principaux points de cette garde est de conserver l'enfant jusqu'au temps où il doit recevoir le Baptême. Il faut donc croire indubitablement que l'office des anges gardiens commence au moins au point de la naissance.

Plusieurs Docteurs croient qu'il ne commence pas plus tôt, parce que tant que l'enfant est dans le sein de sa mère, n'étant pour ainsi dire qu'une même chose avec elle, il n'a pas besoin d'autre gardien que celui que la divine Providence a destiné pour elle. Mais bien que cette opinion soit probable, il y a néanmoins plus d'apparence que l'enfant a dès lors son propre gardien, et qu'il commence à l'avoir dès le moment de sa conception : parce que ce gardien est principalement donné pour l'âme, et qu'il a dès ce moment une âme toute différente de celle de sa mère. D'ailleurs, les intérêts de l'un et de l'autre sont souvent très-différents : lorsqu'il serait fort à propos pour le salut éternel de la mère qu'elle mourût, souvent cette mort, au contraire, serait tout à fait préjudiciable à celui de l'enfant.

Le Docteur angélique, expliquant plus en particulier la tutelle des anges gardiens, déclare qu'un seul n'est pas le gardien de plusieurs hommes, mais que chaque homme a le sien différent de celui des autres hommes. Les fidèles de la primitive Eglise étaient bien persuadés de cette vérité, puisque, quand l'apôtre saint Pierre fut délivré des prisons d'Hérode, et qu'il vint heurter à la porte de la maison où l'Eglise était assemblée, ceux qui entendirent sa voix, ne pouvant se persuader que ce lut lui-même, dirent aussitôt : Angelus ejus est : « C'est assurément son ange »

Notre-Seigneur l'insinue aussi lorsqu'il dit des petits enfants…