CHAPITRE III.


DES MYSTÈRES.


D. Vous m'en avez dit beaucoup en peu de mots, et me donnez de quoi pratiquer pour toute ma vie ; je vous prie maintenant de me dire quel sont les mystères qui appartiennent à la Sainte Famille ?
R. L'on peut dire que tous les moments des trente années que cette divine Famille a subsisté, sont autant de Mystères pleins de grâces et de lumière, qui purifient les cœurs, éclairent les entendements et embrasent les volontés de ceux qui les considèrent avec un désir véritable d'imiter ce qu'il y a d'imitable ; mais pour fixer votre esprit à quelque chose d'arrêté, je les réduits à douze, savoir le Mariage de la Saint Vierge avec Saint Joseph, l'Annonciation, la Visitation, la peine de Saint Joseph sur la grossesse de son Épouse, la Naissance de Jésus, sa Circoncision, l'Adoration des Rois, la Purification, la fuite en Égypte, la perte et le recouvrement de Jésus au temple, leur demeure en Nazareth, et la mort de Saint Joseph.

D. Souffrez que je vous fasse quelques petites questions sur chacun en particulier, pour m'éclaircir de quelques doutes, et premièrement le mariage de Saint Joseph avec Notre-Dame était-il un véritable mariage ?
R. Oui c'était un véritable mariage fait en face d'Église, par un contrat légitime, selon la coutume et l'usage de ce temps-là ; et en vertu de ce contrat la Sainte Vierge appartenait à Saint Joseph en qualité d'Épouse, et Saint Joseph à la Sainte Vierge en qualité d'Époux.

D. Pouvaient-ils se marier ayant l'un et l'autre consacré leur virginité à Dieu par un vœu exprès ?
R. Je vous ai déjà dit qu'ils y furent poussés par un mouvement particulier et extraordinaire du Saint-Esprit, et comme il est bien croyable par une révélation expresse de l'Ange qui leur servait d'interprète des volontés de Dieu.

D. Quelle fin avaient-ils dans leur mariage ?
R. Ils n'en avaient point d'autre que d'accomplir la volonté de Dieu qui leur était connue.

D. Pourquoi Dieu a-t-il voulu que la Sainte Vierge fut mariée ?
R. Premièrement pour lui donner un compagnon et un aide dans ses voyages, dans ses travaux, et tout le cours de la vie.
Secondement pour mettre sa réputation à couvert devant les hommes, qui croyaient Jésus être fils de Joseph. Troisièmement pour donner à Jésus un père nourricier qui l'élevât, et qui le nourrit par ses soins et son travail. Quatrièmement pour cacher aux hommes la divinité de Jésus.
Cinquièmement pour établir Joseph le chef et le Supérieur d'une famille, qui devant être la règle de toutes les autres, devait par conséquent être accomplie.

D. Comment vivaient ces deux Époux dans l'État du mariage ?
R. Dans un amour mutuel, très fort, très fidèle, très pur, et très chaste, qui les unissait si étroitement, qu'ils n'avaient qu'un cœur et qu'une âme ; je vous ai déjà parlé de la chasteté plus qu'Angélique dans laquelle ils s'excitaient l'un l'autre par leurs regards et leurs paroles toutes célestes ; enfin tous leurs soins et tous leurs travaux tendaient à l'éducation de leur divin enfant, qu'ils aimaient plus qu'eux-mêmes ; or l'union des cœurs, la fidélité de l'amour, et l'éducation des enfants, sont les trois biens du mariage.

D. Comment est-ce que la Sainte Vierge Marie a pu concevoir sans détriment de sa virginité, et être Mère et Vierge tout ensemble, vu que cela parait incompatible ?
R. La réponse à votre question appartient au mystère de l'Annonciation et de l'Incarnation du Fils de Dieu, qui est le Mystère des Mystères, la fin et le commencement de tous les autres, et le principe du bonheur de la Sainte Famille, puisque c'est en ce jour que Dieu s'est fait homme, et fils de l'homme en qualité d'enfant de Marie ; le Saint-Esprit qui disposait la Sainte Vierge dès le premier moment de son Immaculée Conception, à cette grande grâce y mit le dernier accomplissement, lorsqu'il forma du plus pur de son sang un corps virginal, créa une âme dans ce corps, et le Fils de Dieu s'unit par une union hypostatique, c'est-à-dire personnelle, l'un et l'autre, dans un même instant, en sorte que cet enfant était vrai Dieu et vrai Homme ; et c'est pour ce sujet que la Sainte Vierge est véritablement Mère de Dieu, ayant fourni de sa substance la matière du corps du Fils de Dieu ; c'est ce qui fait dire que la chair de Jésus est la chair de Marie.

D. La Sainte Vierge n'y a-t-elle pas apporté aucune disposition de sa part ?
R. Oui, Saint Bernard dit qu'elle a agrée à Dieu par sa virginité, qu'elle a conçu par son humilité ; c'est pour ce sujet que ces deux vertus ont paru dans leur plein jour dans le Colloque qu'elle eut avec Saint Gabriel, qui fut député de la Très Sainte Trinité pour tirer son consentement.

D. Comment ces deux vertus ont-elles paru ?
R. Premièrement le trouble où elle fut lorsqu'elle vit entrer au milieu de la nuit un Ange en forme d'un jeune homme, qui la salua pleine de grâce, fut la marque d'une âme chaste, qui craint toujours l'autre sexe, qui appréhende même la compagnie des Anges sous la forme humaine. De plus, ce même trouble est le caractère d'une âme humble, qui ne peut entendre les louanges sans se troubler. Secondement lorsque l'Ange lui déclare qu'elle concevrait, et qu'elle mettrait au monde un Fils, elle en demande la manière, et déclare qu'elle est vierge, et qu'elle préférait sa virginité à la maternité ; l'Ange lui leva cet obstacle, l'assurant qu'elle serait mère et vierge tout ensemble ; et pour lors voyant sa virginité en assurance, elle s'anéantit profondément, se confessant la servante du Seigneur, et enfin donne ce consentement tant désiré en ces termes, qu'il me soit fait selon votre parole, et en cet instant le mystère fut accompli, et l'Ange se retira.

D. Que fit ensuite la Sainte Vierge ?
R. L'Écriture Sainte nous marque qu'elle partit incontinent après pour aller dans les montagnes de la Judée visiter sa cousine Élisabeth, que l'Ange lui avait dit être enceinte, et c'est ce que nous appelons le Mystère de la Visitation.

D. Pourquoi la Sainte Vierge allait-elle faire cette visite ?
R. Elle y fut poussée par le mouvement du Saint-Esprit pour la sanctification du petit Saint Jean, dont Sainte Élisabeth était grosse de six mois, et pour assister sa cousine pendant sa grossesse, comme elle fit.

D. Qu'y a-t-il de remarquable en cette visite ?
R. Trois choses. Premièrement, qu'elle y alla en grande hâte ; de quoi il ne se faut pas étonner, puisqu'elle était portée de celui qu'elle portait dans son sein, qui brûlait déjà du désir de nous sanctifier tous dans la personne de son Précurseur.
Secondement, que tous leurs entretiens furent de Dieu, et Prophétiques, le Saint-Esprit parlant par la bouche de ces deux mères qui en étaient toutes remplies.
Troisièmement, que Jésus voulut sanctifier Saint Jean par le moyen de sa Sainte Mère, afin que nous la reconnussions pour la Médiatrice de notre salut et de toutes les grâces que Jésus nous a méritées.

D. Combien de temps demeura-t-elle chez sa cousine ?
R. Elle y resta trois mois, et pendant ce temps elle lui rendit tous les services que sa charité et son humilité lui suggéraient ; après ce temps-là elle retourna chez elle, et ce fut pour lors que Saint Joseph s'aperçut de la grossesse, dont il eut une espèce d'inquiétude ; et c'est le quatrième mystère.