LE
SAINT ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST
SELON SAINT JEAN
(suite)
1° Cet évangile a été composé après les trois synoptiques. — Il en révèle l'existence de deux manières : par son silence sur certains points et ses allusions sur d'autres.
— 1° D'abord son silence le suppose. Quoiqu'il sache très bien la durée de la prédication du Sauveur et qu'il en distingue les années par l'indication des solennités pascales, les faits qu'il rapporte ne remplissent qu'une petite partie de ce temps. On voit qu'il se tient dispensé de tout dire ou plutôt qu'il ne cherche qu'à suppléer aux omissions des synoptiques relativement au but qu'il se propose. Aussi est-il très bref sur le ministère du Sauveur en Galilée, et passe-t-il sous silence des périodes entières de son ministère, tandis qu'il rapporte longuement ses voyages à Jérusalem à l'époque des principales fêtes.
Aussi, quoiqu'il ait en vue d'établir la divinité de Jésus-Christ, quoiqu'il en donne pour preuve ses miracles et qu'il les suppose très nombreux, il se borne à en décrire un petit nombre, sept seulement, la plupart passés sous silence par ses devanciers. Il omet la délivrance des possédés, la déclaration du Père éternel au Jourdain et au Thabor, l'adjuration du grand-prêtre, la prophétie sur Jérusalem, etc.
— 2° Il fait plusieurs fois allusion aux autres évangélistes. Par exemple, au chapitre I, il met sur les lèvres de Jean-Baptiste ces paroles : « J'ai vu l'Esprit-Saint descendre sur la tête du Sauveur. » Or, ce fait n'est connu que par S. Matthieu et S. Luc.
Au chapitre III, après avoir dit que Jean-Baptiste et Notre Seigneur baptisaient en même temps, il fait observer que le Précurseur n'était pas encore incarcéré : or l'emprisonnement de Jean-Baptiste n'est rapporté que par les synoptiques, et l'observation faite en cet endroit ne parait avoir d'autre fin que d'écarter l'idée, qui pourrait venir en les lisant, que le ministère de S. Jean a fini aussitôt qu'a commencé celui du Sauveur.
Au chapitre XI, il dit que Lazare était de Béthanie, bourg de Marie et de Marthe. Or, il n'a pas encore parlé de ces deux sœurs, et elles ne peuvent être connues du lecteur que par d'autres récits.
Au chapitre XVIII, les premiers versets semblent renvoyer aux synoptiques pour la scène de l'agonie, et le trente-deuxième rappelle expressément une prédiction qui n'est rapportée que par eux. Il parle des douze, en divers endroits, comme d'une société bien connue, sans en mentionner l'origine nulle part; seulement, on voit qu'il entend par là ceux que les synoptiques placent dans le canon des Apôtres.
Enfin on peut remarquer que dans tout son récit, il est attentif à deux choses : à ne pas redire ce que les autres ont dit, ou bien à les confirmer et à les compléter par de nouveaux détails. Ainsi il ne répétera pas le récit de l'institution de l'Eucharistie; mais il rapportera la promesse que Notre Seigneur en avait faite, après la multiplication des pains. Il passera sous silence la naissance du Sauveur à Bethléem, la confession de S. Pierre à Césarée, les paroles du Père éternel au Jourdain et au Thabor, la résurrection de la fille de Jaïre et du fils de la veuve de Naïm, l'entrée triomphante du Sauveur à Jérusalem et l'application qu'il se fait de la figure de Jonas; mais il mentionnera la croyance où l'on était sur le lieu où le Messie devait naître, le nom de Céphas imposé à S. Pierre, la mission que son Maître lui donne de paître les agneaux et les brebis, la promesse qu'il fait de relever en trois jours le temple de son corps, la résurrection de Lazare qui donne lieu au triomphe du Fils de Dieu, la voix du Père éternel s'engageant à le glorifier.
C'est ainsi que nos évangiles, loin de se combattre, s'expliquent et se soutiennent les uns les autres.
2° Il a écrit vers la fin du premier siècle.…
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