Application à la tradition

17. Un autre point où les modernistes se mettent en opposition flagrante avec la foi catholique, c'est que le principe de l'expérience religieuse, ils le transfèrent à la tradition: et la tradition, telle que l'entend l'Eglise, s'en trouve ruinée totalement. Qu'est-ce que la tradition, pour les modernistes ? La communication faite à d'autres de quelque expérience originale, par l'organe de la prédication, et moyennant la formule intellectuelle. Car, à cette dernière, en sus de la vertu représentative, comme ils l'appellent, ils attribuent encore une vertu suggestive s'exerçant soit sur le croyant même pour réveiller en lui le sentiment religieux, assoupi peut-être, ou encore pour lui faciliter de réitérer les expériences déjà faites, soit sur les non-croyants pour engendrer en eux le sentiment religieux et les amener aux expériences qu'on leur désire. C'est ainsi que l'expérience religieuse va se propageant à travers les peuples, et non seulement parmi les contemporains par la prédication proprement dite, mais encore de génération en génération par l'écrit ou par la transmission orale. Or, cette communication d'expériences a des fortunes fort diverses : tantôt elle prend racine et s'implante, tantôt elle languit et s'éteint. C'est à cette épreuve, d'ailleurs, que les modernistes, pour qui vie et vérité ne sont qu'un, jugent de la vérité des religions: si une religion vit, c'est qu'elle est vraie; si elle n'était pas vraie, elle ne vivrait pas. D'où l'on conclut encore: toutes les religions existantes sont donc vraies.