CHAPITRE V.
DE LA FAMILLE de Saint Joachim et Sainte Anne.
D. Saint Joachim et Sainte Anne ne sont-ils pas aussi de la Sainte Famille ?
R. Oui, l'on peut dire qu'ils en sont.
D. Comment cela ?
R. Pour deux raisons ; la première est que Sainte Anne était la Mère, et Saint Joachim était de Père de la Sainte Vierge, ils sont par conséquent les Père et Mère-grands de Jésus. La seconde est parce qu'ils ont composé la plus Sainte Famille qui ait jamais été, après celle qui est sainte par excellence.
D. Quel a été la source de leur sainteté ?
R. C'est Marie la très-sainte Vierge, Mère de Jésus, qui était leur Fille, laquelle étant pleine de grâce communiquait de sa plénitude à ses Saints parents.
D. Je conçois bien comment la sainte Vierge sanctifiait la Famille de ses parents, lorsqu'elle fut au monde, mais comment la pouvait-elle sanctifier avant que d'être ?
R. Elle la sanctifiait avant que d'avoir l'être en ce que toutes les grâces que Dieu a répandues sur Saint Joachim et Sainte Anne ont été principalement en considération de la Sainte Vierge qui devait naître d'eux.
D. En quoi a consisté la Sainteté de cette Famille ?
R. En ce qu'elle a été par avance une image vivante de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, dont elle a parfaitement représenté toutes les vertus.
D. La chasteté y était-elle aussi parfaite que dans la Sainte Famille ?
R. Encore bien que la chasteté n'y fut pas si parfaite que dans la Sainte Famille, dont toutes les personnes qui la composaient étaient Vierges, néanmoins il est assuré que la chasteté conjugale y a été dans un souverain degré.
D. Comment cela ?
R. En ce que Saint Joachim et Sainte Anne ne se sont mariés par aucun motif de sensualité, mais seulement pour faire la volonté de Dieu, et pour lui donner des adorateurs dans leurs enfants. Ce qui fut cause que Saint Joachim reconnaissant la stérilité de Sainte Anne, ils vécurent ensemble comme frère et sœur, si l'on en croit quelques Auteurs.
D. Comment Sainte Anne conçut-elle donc la Sainte Vierge ?
R. C'est une pieuse créance de quelques Saints, que ces deux chastes époux après vingt ans d'une parfaite continence usèrent saintement du pouvoir nuptial par un ordre exprès du Ciel.
D. Comment est-ce que Dieu leur fit connaître sa volonté ?
R. L'on croit qu'elle leur fut manifestée séparément à l'un et à l'autre par le ministère d'un Ange, qui leur révéla que Dieu leur donnerait une fille dont le nom serait Marie, et qui serait Grande devant Dieu, ensuite de quoi Sainte Anne conçut de la manière ordinaire, quoiqu'avec beaucoup plus de pureté que les autres femmes, parce que la convoitise était presque entièrement éteinte en elle aussi bien que dans son Époux.
D. L'esprit de pauvreté était-il dans cette famille ?
R. Oui sans doute, et cela parait dans le bon usage que ces deux Saints faisaient du peu de bien que Dieu leur avait donné, on tient qu'ils divisaient en trois parts, dont ils donnaient l'une au Temple, l'autre aux pauvres, et la troisième était employée à leur subsistance.
D. Ont-ils été méprisés ? ont-ils beaucoup souffert ?
R. Oui.
D. Quelle fut la source du mépris et des souffrances qu'ils endurèrent ?
R. La stérilité de Sainte Anne en fut la principale, d'autant que c'était une malédiction de la Loi, et une espèce d'abandon de Dieu, ce qui les rendait si méprisables, qu'ils n'étaient bien venus en aucune compagnie, non pas même parmi leurs propres Parents ; c'est pour cela en partie qu'ils vivaient fort solitaires, et séparés du commerce des hommes, ajoutez à cela que le désir qu'ils avaient d'avoir des enfants dans l'espérance d'avoir quelque part à la naissance temporelle du Messie, les faisait d'autant plus souffrir que leur manque de fécondité semblait les exclure pour toujours de cet avantage, et cette peine dura vingt années.
D. Comment se comportaient-ils en cet état ?
R. Ils s'appliquaient beaucoup à la prière, et à faire de bonnes œuvres, dont rien ne les divertissait, et jamais ne perdirent la confiance en Dieu nonobstant qu'il les traitait avec tant de rigueur apparente.
D. Comment se disposèrent-ils à recevoir de la main de Dieu l'enfant qu'il leur donna ?
R. Ils s'y disposèrent par une Oraison presque continuel accompagnée de larmes, de jeûne, d'aumônes, et d'autres bonnes œuvres, surtout par la longue patience à attendre le moment de la volonté de Dieu.
D. N'y apportaient-ils point quelqu'autre disposition ?
R. Oui, car ils firent vœu l'un et l'autre, que s'il plaisait à Dieu d'exaucer leurs prières, et bénir leur mariage, ils lui consacreraient l'Enfant qui en proviendrait, ce qu'ils firent en effet ainsi qu'ils l'avaient promis.
D. De quelle manière accomplirent-ils ce grand vœu ?
R. Sainte Anne ayant nourri et élevé sa chère fille, tant désirée et tant aimée, jusqu'à l'âge de trois ans, la mena avec Saint Joachim au Temple, où ils la présentèrent à Dieu, la laissant entre les mains du grand Prêtre, pour être mise au nombre des vierges consacrées au service des Autels, de sorte qu'ils se privèrent de la consolation de l'avoir auprès d'eux, et des services qu'ils en eussent pu tirer.
D. Comment cette petite fille se comporta-t-elle, quand on la présenta au Temple ?
R. Elle fit cette sainte cérémonie avec une ferveur admirable, qui montrait assez combien elle était pleine du Saint-Esprit ; quelques saintes âmes ont avancé que par une générosité que nous pouvons justement présumer, elle monta toute seule les quinze degrés du Temple sans être aidée de personne, portée et enflammée d'un amour extraordinaire d'être au plus tôt consacrée au service de Dieu.
D. Quelles furent ses occupations dans cette sainte demeure ?
R. Elle était avec plusieurs autres vierges qui logeaient ensemble dans un appartement joignant le Temple ; là elle vaquait à la prière, où elle était la plus fervente, et où elle passait une bonne partie du jour, et de la nuit ; elle s'occupait à la lecture des bons livres, nommément des saintes Écritures, et travaillait en plusieurs ouvrages nécessaires à l'entretien du Temple. Elle filait, cousait, et faisait généralement tout ce qui lui était ordonné. Elle était parmi toutes ces saintes filles comme une lumière, et un exemple d'humilité, de douceur, d'obéissance, de modestie, de chasteté, de silence, et de toute sorte de vertus.
D. Combien y a-t-elle demeuré ?
R. Jusqu'à son âge nubile, car pour lors elle en sortie pour être mariée à Saint Joseph. Elle ne consentit à ce mariage que par une révélation qui lui fut faite de la volonté de Dieu, et par laquelle on assura que la virginité, dont elle avait fait vœu, ne serait point endommagée.
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