I
L'HEROÏSME DES SOLDATS
Nous l'avons vu, c'est pour la défense de sa foi que la Vendée avait pris les armes, et l'héroïsme de ses soldats, en s'élevant à la hauteur de la cause sacrée dont ils étaient les défenseurs, s'élevait sans effort et d'un premier élan jusqu'à la hauteur du martyre.
En lisant les émouvants récits de la mort de Cathelineau, de Bonchamp, de Lescure, de d'Elbée, de Marigny, de Stofflet, de Charette et de tant d'autres, nous respirons le même parfum d'édification qui s'exhale du martyre de la légion Thébaine.
Le prince de Talmont lui-même trouvait sur l'échafaud cette grandeur surhumaine, qui n'a rien d'égal dans l'antiquité profane.
On l'accablait de questions captieuses, afin de lui arracher des révélations compromettantes pour ses compagnons d'armes. Un de ses juges, Esnue-Lavallée, lui fait entrevoir la mort s'il reste muet, et sa grâce, comme récompense de ses aveux.
Talmont le regarde avec mépris :
— Fais ton métier, dit-il à cet homme ; moi, j'ai fait mon devoir.
Quelques jours après, Talmont voyait l'échafaud dressé à Laval, devant la porte principale du château de ses ancêtres.
Le jeune prince, le front haut et calme, en montait les degrés et mettait sa tête sous le couperet, en murmurant une dernière prière.
Il avait 28 ans.
Dans ces vaillants cœurs de soldats, on trouvait souvent les délicates tendresses et le dévoûment d'un cœur de mère.
Après le désastre du Mans, Stofflet rencontrait sur sa route une vendéenne blessée, qui tenait son petit enfant dans ses bras.
— Général, oh ! sauvez mon fils, lui crie cette mère aux abois.
Stofflet arrête le galop de son cheval, prend l'enfant et l'emporte enveloppé dans les plis d'un drapeau.
Le lendemain, il le rendait sain et sauf à la mère.
Dans l'affreuse déroute qui suivit la défaite de Savenay, le général en second de l'artillerie, Pérault, blessé au pied, suivait à cheval le prince de Talmont dans sa retraite.
Il aperçoit sur son chemin une femme mourante, une mère, tenant sa toute jeune fille couchée sur son sein.
D'une voix expirante, d'un regard presque éteint, elle supplie l'officier d'avoir pitié de son enfant.
Le cavalier met pied à terre, charge en croupe la petite orpheline et s'enfuit à travers la campagne, avec ce doux et charmant fardeau.
Arrêté à Ernée, Pérault se dénonce lui-même devant le général Beaufort, qui s'engage, sur l'honneur, à le sauver avec l'orpheline que le vendéen venait d'adopter.
Mais le Comité révolutionnaire d'Ernée est d'un autre avis. Il déclare par un procès-verbal «
qu'il n'a jamais eu le plaisir de voir fusiller de royalistes », et qu'il exige que ce spectacle lui soit offert dans la circonstance.
On signifie au général de se mettre à genoux et de se laisser bander les yeux.
— Non, dit Pérault, je sais affronter la mort, et je n'ai qu'un regret en quittant la vie, c'est de voir des Français transformés en assassins.
Et le noble soldat mourait victime de son dévoûment à une si touchante infortune.
A la dernière étape avant d'arriver sous les remparts de Nantes, un vieux paysan, mortellement blessé, paraissait se disputer vivement avec un jeune homme, auquel il présentait un fusil, que celui-ci refusait.
On demande la cause de cette altercation.
— C'est mon fils, répond le vieux soldat; il veut rester près de moi pour me soigner, et moi j'exige qu'il aille se battre. Je n'ai pas besoin de lui, puisque je vais mourir; son devoir est d'aller au feu.
On supplia le blessé de permettre au jeune homme de rester près de son père. Il n'y voulut jamais consentir.
Le lendemain, quand le vieillard était près d'expirer, on vint lui annoncer que son fils avait été tué dans l'assaut de la ville.
— Vous voyez bien que j'avais raison, dit le moribond, d'un air calme et souriant : « Si mon fils ne m'eût obéi, il n'aurait pas eu l'honneur de mourir pour son Dieu et pour son roi (
1) ».
C'est le Spartiate, qui a reçu la trempe du baptême et de l'héroïsme chrétien.
Presque toutes les pages de ce livre vont nous montrer l'héroïsme des prêtres de la Vendée…
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(1) AUGUSTE JOHANNET, T. I, p. 106.
A suivre : II. L'HEROÏSME DES PRETRES
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