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Tema: Le Martyre de la Vendée

  1. #21
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    21 jul, 17
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    Dans l'horreur de cette mêlée sanglante, qui suivit le désastre de Savenay, on pouvait voir un vieillard, un aveugle, mené par la main d'un enfant.

    — Qui mènes-tu là ? crient les hussards de la République à ce jeune guide.

    — C'est un pauvre paysan aveugle, répond l'enfant.

    — Non, Messieurs, reprend le vieillard ; je suis prêtre !

    Je suis l'abbé Javelot, supérieur des missionnaires de Saint-Laurent-sur-Sèvre. Oh ! la belle couronne que celle du martyre ! Frappez !

    Les hussards, vaincus par une pareille grandeur d'âme, reculent devant la majesté de ce prêtre, et s'éloignent, muets d'admiration (1).

    L'historien n'est pas étonné de rencontrer cette sublimité de courage dans un fils du Père de Montfort : il sait que le nom des missionnaires et des religieuses de Saint-Laurent brille d'un éclat tout particulier dans les pages les plus glorieuses du martyrologe de la Vendée.

    Un jour, on vient apprendre au supérieur des deux communautés, le Père Supiot, que les royalistes conduisaient hors du bourg de Saint-Laurent 14 prisonniers de guerre, qu'ils allaient fusiller.

    Le vénérable supérieur court au lieu de l'exécution, se jette au-devant des Vendéens, et demande grâce pour les captifs.

    On lui répond que les lois de la guerre sont inexorables et qu'elles exigent la mort des prisonniers. « C'est un devoir rigoureux de représailles, s'écrient les soldats. Ils ont tué nos compagnons d'armes ; ils doivent périr. »

    — Eh bien ! Messieurs, leur dit alors le courageux vieillard, en se plaçant devant les condamnés, puisque je ne puis sauver la vie à mes frères, qui sont aussi les vôtres, je veux mourir avec eux; tirez sur moi.

    A ces mots, les armes tombent des mains des exécuteurs et ils pardonnent.

    L'apôtre de la charité conduit alors les 14 républicains au presbytère, leur procure tous les secours dont ils ont besoin, et les renvoie, confondus d'admiration et de reconnaissance pour le prêtre qui vient de leur sauver la vie.
    ______________________________________________

    (1) BOURNISEAUX, T. III, page 274.

    A suivre : III. L'HEROÏSME DES VENDEENNES



  2. #22
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    Re: Le Martyre de la Vendée

    III

    L'HEROÏSME DES VENDEENNES

    Cet héroïsme des soldats et des prêtres, nous le retrouvons sous les formes les plus variées, dans un grand nombre de Vendéennes : religieuses, humbles paysannes ou femmes du grand monde. Il éclate dans les détails de la vie commune, dans les prisons, sur l'échafaud et jusque sur les champs de bataille, comme à Torfou et à Dol (1).

    Nos lecteurs aimeront à voir ici rassemblés, comme dans un tableau, quelques traits qui vont peindre à leurs yeux la grandeur d'âmes des femmes de la Vendée, à cette époque de foi robuste et indomptable.

    Au mois de février 1793, une colonne républicaine envahissait le bourg de Saint-Laurent-sur-Sèvre, et pénétrait dans la maison-mère des Filles de la Sagesse.

    Attirés par l'appât du pillage, plusieurs soldats se précipitent dans la chapelle et dans la sacristie.

    Un de ces misérables va droit à une statue de la sainte Vierge et tire son sabre pour lui abattre la tête.

    La sœur Saint-Jean-Chrysostôme, qui l'avait suivi, lui crie d'une voix forte et énergique : — Malheureux ! que fais-tu ? Veux-tu laisser ma mère !

    A ces mots, l'iconoclaste demeure immobile. Il avait donné un premier coup à la sainte image; il n'eut pas l'audace d'en donner un second.

    Quand les républicains eurent quitté la chapelle, la sœur Dosithée s'y rendit pour faire amende honorable au Dieu de l'Eucharistie, des outrages qu'il venait de recevoir.

    Elle s'était placée dans un coin et priait avec ferveur, quand elle vit entrer un soldat, plus impie encore que les autres, qui s'avance jusqu'au tabernacle, l'enfonce avec son sabre, s'empare du ciboire où sont contenues les hosties consacrées et s'enfuit du côté du jardin.

    La sœur Dosithée se lève et se met à sa poursuite en criant : « Citoyen, rends-moi mon Maître; rends-moi mon Dieu. »

    Le profanateur, épouvanté par ces cris répétés, jette le ciboire dans le fossé qui formait la clôture du jardin.

    La religieuse y descend et se met à genoux en présence du Saint Sacrement si indignement profané.

    Une petite fille du bourg venant à passer par là, sœur Dosithée l'appelle et la charge d'avertir la communauté de l'horrible sacrilège qui vient d'être commis.

    Le Père Supiot, retiré dans une ferme voisine, est informé. Revêtu d'un surplis et d'une étole, il va prendre le saint ciboire, l'emporte avec lui et peut ainsi donner un asile convenable au Dieu caché, que les séides de la Révolution française jetaient dans la boue d'un fossé (1).

    Comme il est sublime, dans sa naïve simplicité, le…
    _____________________________________________

    (1) V. La Vendée militaire, pages 109 et 158.
    (1) V. Histoire de la Congreg. des Filles de la Sagesse. Dans ses Mémoires Monseigneur de Beauregard raconte le même fait, avec quelques variantes, p. 76.

  3. #23
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    Comme il est sublime, dans sa naïve simplicité, le dévoûment de cette humble femme de chambre, qui sauve la vie de sa maîtresse, en acceptant de mourir à sa place, donnant ainsi, sans qu'elle s'en doute, l'exemple de l'héroïsme dans la pratique de la charité évangélique ! Majorem hâc dilectionem nemo habet ; Le comble de la charité, c'est de mourir pour ceux qu'on aime (1).

    Madame la vicomtesse de Lépinay avait été détenue avec cette pauvre fille de la campagne, dans une des prisons de Nantes.

    La femme de chambre entend un jour un officier républicain qui dit à la noble prisonnière :

    — Madame, restez-là ; je vais revenir ; je vous couvrirai de mon manteau et je vous sauverai.

    L'officier revient en effet, et par mégarde il jette le manteau sur la servante.

    — « Vous vous trompez, Monsieur, dit l'héroïque et généreuse paysanne : voilà Madame de Lépinay : moi, je ne suis rien ».

    Et elle suivit les bourreaux au lieu du supplice.

    Après la déroute de Cholet, une jeune fille de 17 ans, Marie Papin, de Tiffauges, portait un jour des vivres à deux soldats vendéens, blessés.

    Elle est surprise en route par les Bleus, qui l'arrêtent.

    — C'est à des brigands cachés non loin d'ici, lui disent-ils, que tu portes ces vivres ? Tu vas nous indiquer leur cachette.

    — Non, jamais, répond avec énergie la jeune Vendéenne.

    — Tu refuses ! alors tu vas être fusillée sur l'heure.

    — Je consens à mourir, dit-elle, avec une simple et sublime fermeté ; mais je ne trahirai pas des malheureux.

    Les républicains furieux la saisissent, l'attachent à un tronc d'arbre, la frappent à coups de sabre, en lui promettant la vie si elle veut livrer son secret.

    Pendant cette torture, la jeune martyre, les yeux levés au ciel, récite à haute voix sa prière.

    Cette attitude de l'angélique victime aurait attendri des cannibales.

    Elle ne fît qu'exciter la cruauté sauvage des patriotes. Après avoir criblé la jeune fille d'horribles blessures, ils coupèrent son cadavre en morceaux (1).

    N'avons nous pas une gracieuse Jeanne d'Arc vendéenne…
    ________________________________________________

    (1) JOAN. xv, 13.
    (1) BOURNISEAUX, T. III, p. 317. — GUILLON, T. IV, p. 187. — Les paysans Vendéens, par le Cte DE CHABOT, p. 24.

  4. #24
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    N'avons nous pas une gracieuse Jeanne. d'Arc vendéenne, dans cette jeune Robin de Courlay, qui après avoir communié, courait se ranger parmi les soldats de Lescure, le 14 septembre 1793, et se faisait tuer pour la défense de la foi, à la bataille de Thouars ?


    Après l'échec de Nantes, une autre jeune Vendéenne rencontrait un officier de l'armée catholique, Martin Bodinière, et lui demandait des nouvelles de son frère, qui avait pris part à ce siège malheureux.

    Bodinière ne répond pas, et la sœur comprend que son frère avait succombé.

    — Ah ! s'écrie-t-elle alors, mon pauvre frère Joseph est mort ; mais j'espère qu'il est mort en brave ?

    L'officier lui dit que Joseph avait été tué sur sa pièce de canon.

    — Puisqu'il est mort ainsi pour sa foi, reprend l'héroïque enfant, je vais à l'église rendre grâce à Dieu.

    Le patriotisme farouche de Lacédémone pâlit une fois encore devant l'héroïsme chrétien de ces Vendéennes (2).



    De l'étroite fenêtre de sa prison, Madame de la Roche-Saint-André voyait conduire ses fils à l'échafaud.

    Elle se cramponne aux barreaux, et passant à moitié la tête à travers la grille, elle leur crie :
    — Courage, mes enfants, courage ! Mourez en Vendéens !

    Cette mère trouvait dans son cœur et dans sa foi les accents surhumains dont la mère des Machabées étonnait le monde antique, et les accents plus divins encore de tant d'autres mères chrétiennes, de Félicité à Rome, de Symphorose à Tibur, de Perpétue à Carthage, de cette noble gallo-romaine, criant, du haut des remparts d'Autun, au jeune martyr Symphorien : « Courage! mon fils, courage! regarde le ciel qui s'ouvre sur ta tête. »

    Madame de la Biliais, condamnée à mort avec ses filles, remercie les juges de ne l'avoir point séparée de ses enfants, et obtient d'eux de mourir la dernière. Elle voulait être assurée que la peur ne ferait pas fléchir les victimes. Les voir exécutées sous ses yeux lui était moins cruel que de les laisser après elle au milieu des impies; et quand vint son tour, elle bénissait Dieu qui lui conservait ses enfants par la mort.

    L'histoire de l'Église nous offre-t-elle quelque chose de plus héroïque et de plus touchant que cette jeune mère, Madame Neveu…

    _______________________________________________

    (2) THEODORE MURET, T. I, p. 228. « Je tiens le fait, dit cet auteur, de Martin Bodinière lui-même. »

  5. #25
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    Re: Le Martyre de la Vendée

    L'histoire de l'Église nous offre-t-elle quelque chose de plus héroïque et de plus touchant que cette jeune mère, Madame Neveu, qui attend la mort dans les cachots de Laval, et qui couvre de ses larmes le nouveau-né qu'elle presse dans ses bras ?

    — Tu pleures, lui dit le médecin de la prison. Comment supporteras-tu la vue de l'échafaud?

    — Aujourd'hui, répond-elle, comme la jeune martyre de Carthage, Félicité, aujourd'hui je cède à la nature, mais sur l'échafaud, j'aurai avec moi mon Dieu pour soutenir ma faiblesse.

    Enfin, on vient lui annoncer que c'est l'heure de son supplice.

    Elle veut emporter son enfant jusqu'au pied de la guillotine.

    Avant d'en monter les degrés, elle serre une dernière fois le petit orphelin sur son cœur, dans un long et ineffable embrassement; puis, elle gravit d'un pas ferme le terrible escalier.

    Le bourreau lui-même s'attendrit et s'humanise à la vue de cette héroïne, qui unit dans son âme tant de force à tant de tendresse.

    Il veut lui enlever son châle, pour que l'exécution soit plus prompte et moins douloureuse.

    — Non, Monsieur, dit-elle ; j'aime mieux souffrir davantage et n'être pas découverte.

    C'est en achevant ces mots, dignes des Agnès et des Cécile, qu'elle reçut le coup de mort.

    Pendant que la Grande Armée s'avançait vers Laval, une vingtaine de républicains…

  6. #26
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    Pendant que la Grande Armée s'avançait vers Laval, une vingtaine de républicains venaient surprendre et saisir dans sa ferme un brave paysan d'Izernay, Vendangeon, et le conduisaient dans une des prisons de Cholet.

    Sa fille aînée le suivit, et, sentinelle de la piété filiale, elle passait les jours et les nuits à la porte du cachot.

    Les Bleus lui dirent un jour qu'on rendrait la liberté à son père, si elle acceptait d'entendre la messe d'un intrus.

    — La vie de mon père m'est bien chère, répond-elle ; mais je ne puis consentir à ce que vous exigez. Cependant, avant de prendre un parti, je veux avoir l'avis du prisonnier.

    Le vieillard lui déclare que la mort pour la justice est le plus grand des bonheurs, et que l'apostasie est le plus grand des crimes.

    A force d'importunités et de larmes, cette Antigone chrétienne obtint la faveur d'être emprisonnée avec son père.

    Dans ce cachot fétide, elle resta pendant un mois à côté du captif, et au moyen d'une corde passée à son cou, elle soutenait les lourdes chaînes qui meurtrissaient les bras et les jambes du détenu.

    L'héroïque jeune fille finit par attendrir le cœur des cruels patriotes, et Vandangeon fut mis en liberté.


    Voici une simple paysanne du Pin, près de Châtillon, qui semble réunir en elle tous les genres d'héroïsme déjà signalés dans ces douces physionomies de femmes, que nous venons d'esquisser.

    Le 25 janvier 1794, le commandant de la première colonne infernale, Grignon, arrivait dans la paroisse du Pin.

    Une vingtaine d'habitants s'étaient portés à sa rencontre, le suppliant de ne pas brûler leurs maisons et d'accepter le repas qu'ils ont préparé pour lui et pour ses troupes.

    Grignon se met à table.

    Après avoir copieusement dîné, il ordonne d'attacher ses hôtes avec des cordes.

    On les traîne dans un champ voisin, et sur un signe de l'atroce général, les Bleus les tuent à coups de sabre et de baïonnette.

    Pendant cette boucherie, une mère, la femme Tricot, était là, tenant dans ses bras son tout jeune enfant encore à la mamelle.

    L'enfant est égorgé sur le cœur de sa mère, qui voit en même temps massacrer sous ses yeux son père, son beau-père, sa sœur et sa belle-sœur, son mari et un fils de 18 ans, récemment arrivé de la campagne d'Outre-Loire.

    Durant le massacre, cette femme n'avait cessé d'exhorter les victimes à subir la mort pour l'amour de Jésus-Christ.

    — Songez, leur crie-t-elle, songez que votre Dieu est mort sur la croix, et votre roi sur l'échafaud.

    Elle semblait implorer le même sort pour elle-même; mais Grignon préféra la condamner à survivre.

    Après cet horrible carnage, quand les bourreaux se sont éloignés, l'admirable chrétienne, couverte du sang des siens, ensevelit de ses propres mains les cadavres mutilés de son mari, de ses enfants et de toute cette glorieuse famille de martyrs (1).

    Dans cette galerie déjà longue et très incomplète de portraits de nos héroïnes, nous devons une place à l'épouse de Chantebel…
    _____________________________________________________

    (1) V. CRETINEAU-JOLY, T. II, p. 45.

  7. #27
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    Dans cette galerie déjà longue et très incomplète de portraits de nos héroïnes, nous devons une place à l'épouse de Chantebel, le héros du catéchisme.

    Pendant la Terreur, comme nous le voyons souvent à d'autres époques de l'histoire, l'héroïsme des hommes s'inspirait souvent de l'héroïsme des femmes.


    Un jour, les persécuteurs révolutionnaires entraient dans le village du Chêne, près de Martigné. On leur avait dit qu'ils trouveraient là un certain fermier, nommé Chantebel, ennemi déclaré de la République.

    Les républicains entrent dans la chaumière du paysan, y découvrent un catéchisme et s'en emparent.

    Mais, d'une main rapide et vigoureuse, le fermier leur arrache le précieux petit livre, et déclare qu'il ne consentira jamais à s'en dessaisir.

    On traîne Chantebel à Martigné devant le Comité révolutionnaire.

    Sa femme l'y accompagne et l'encourage à tenir ferme dans sa foi.

    Le Comité condamne l'opiniâtre paysan à livrer son catéchisme sur la place publique, et à le brûler en présence de tous les patriotes.

    — Mon catéchisme est bon, répond le vaillant chrétien. Brûlez-moi plutôt moi-même ; je veux vivre ou mourir avec mon catéchisme.

    On entraîne Chantebel dans les rues, et la populace le poursuit de ses huées impies et féroces.

    Sa femme est constamment à ses côtés et ne cesse de lui crier à haute voix : — Tiens bon, Chantebel ; reste ferme : c'est pour le bon Dieu.

    Il tient si ferme, en effet, que les persécuteurs ne peuvent en avoir raison, et finissent par le lâcher.

    Toujours suivi et félicité par sa courageuse compagne, le Vendéen revient dans son village en triomphateur, portant dans ses mains son catéchisme, dont il se fait comme un trophée de sa victoire.

    Chantebel tenait à son catéchisme comme la Vendée tout entière tenait à sa religion, à ses prêtres et à son Dieu.

  8. #28
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    Re: Le Martyre de la Vendée

    IV

    L'HEROÏSME DES ENFANTS


    Dans cette atmosphère d'enthousiasme religieux, tous les courages s'exaltaient; les âmes grandissaient vite et les enfants eux-mêmes, sous l'influence des exemples qu'ils avaient sous les yeux, semblaient jouer à l'héroïsme.

    L'auteur de l'Histoire de la Vendée militaire témoigne son admiration , « de leur présence d'esprit toute vendéenne (1). »

    « Chose étonnante, dit un autre historien, dans tout le cours de cette guerre, il n'y a pas d'exemple qu'un seul proscrit ait été livré par l'indiscrétion d'un enfant (1). »

    Passons d'abord comme une revue rapide de nos petits soldats.

    Avec les exploits de nos Bayards précoces, on pourrait composer une sorte d'épopée, merveilleuse et charmante.

    Nous avons déjà parlé du jeune tambour Gourdon, dit Crouston, des Gardes, enfant de 15 ans, qui fit la guerre « monté sur son petit cheval blanc, et qui savait l'art d'enlever à la baguette les troupes qu'il semblait commander (2). »

    Nous avons dit quelques-uns des faits d'armes de ce petit chevalier de Mondyon, « que les ennemis devaient prendre pour un petit lapin, et tirer avec de la cendrée, disaient les dames en plaisantant, mais qui était un fameux lapin, disaient les paysans, en le voyant sur le champ de bataille (3).

    De ces tout jeunes chevaliers, on aurait pu former une légion dans l'armée catholique.


    En 1794, à la suite d'une escarmouche livrée par Pierre Cathelineau, frère de l'illustre généralissime, un enfant de 15 ans, Paul Vandangeon, d'Izernay, digne frère de Jacques Vandangeon, dit le sabreur, se trouva tout à coup assailli par un officier de hussards.

    — Rends-toi ou tu es mort, lui cria l'officier.
    — Me rendre ! jamais ! répond le jeune et intrépide enfant.

    Et en même temps, faisant feu de sa carabine, il terrasse son agresseur, s'empare de son cheval, monte en selle, et au grand galop de sa monture, s'en va trouver Charette.

    — Moutard, lui dit le général, où as-tu pris ce beau cheval de bataille ?

    — Mon général, répond l'enfant, j'ai tué un officier des Bleus, et maintenant je viens me battre avec vous.

    Charette le félicita chaudement et l'admit dans sa troupe (1).

    Sur une humble tombe du cimetière de Legé, on lit l'épitaphe suivante :
    _________________________________________

    (1) V. CRETINEAU-JOLY, T. II, chapitre II.
    (1) M. DE BREM, Histoire populaire, page 127.
    (2) La Vendée militaire, page 61.
    (3) V. BOURNISEAUX, T. III. page 214.
    (1) Témoignage de l'abbé Vandangeon, petit-fils de Paul Vandangeon.

  9. #29
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    Sur une humble tombe du cimetière de Legé, on lit l'épitaphe suivante :

    Qui sert bien son pays n'a pas besoin d'aïeux (2).

    C'est l'épitaphe d'un soldat vendéen, de Louis Lecouvreur, qui fut d'abord l'illustre palefrenier de Charette.

    Il avait alors 16 ans.

    Voici son premier fait d'armes.

    Il venait d'apprendre que le général, engagé contre l'ennemi, courait un sérieux danger.

    L'enfant saisit à l'instant un mauvais sabre et un pistolet, saute sur l'un des meilleurs chevaux de son maître, et s'élance, ventre à terre, du côté du combat.

    Il ne rentra pas le soir.

    Charette, qui était de retour au quartier, apprend la sortie belliqueuse de Louis, malgré la défense formelle qu'il lui avait souvent réitérée, de ne pas paraître sur le champ de bataille.

    Le général furieux lui réservait une terrible semonce.

    Mais le lendemain, il voit son jeune écuyer revenir au galop, chargé d'un équipement complet, portant un guidon de la République, menant en laisse un superbe cheval qu'il avait pris, et les vêtements ensanglantés.

    Il sent sa colère vaincue par la fière attitude du jeune soldat.

    — Eh bien ! enfant, lui dit-il, en lui tendant la main, puisque tu brûles de te battre, tu en auras désormais la permission ; tu as fait tes preuves.

    Voici l'exploit de l'intrépide palefrenier. Il avait rencontré l'ennemi au moment où les Bleus prenaient la fuite, et il s'était lancé à la poursuite d'un officier.

    Celui-ci se retourne soudain et tire à bout portant.

    — Enfant que tu es, lui crie-t-il, retourne garder tes moutons.

    — Et toi, reprend le jeune Vendéen, va-t'en chez le diable, puisque tu ne sers pas le bon Dieu.

    Et d'un bras vigoureux, il fait sauter le crâne à son adversaire, s'empare de ses armes, de son guidon tricolore, de son cheval, et retourne au galop porter à Charette ces dépouilles opimes.

    Quelques jours avant la troisième bataille de Luçon, un enfant se présentait…
    ____________________________________________________

    (2) WALSH, Lettres vendéennes, page 307.

  10. #30
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    Quelques jours avant la troisième bataille de Luçon, un enfant se présentait, un pistolet à la main, devant l'état-major de l'armée vendéenne, réunie au camp de l'Oie.

    Il demande à s'enrôler pour la défense de la religion et du roi.

    — Mais qui es-tu? lui demandent les chefs.

    — Je suis le jeune Du Chafault, répond-il: je me suis échappé du château de ma mère, et je viens joindre ici mon frère, qui est soldat dans vos rangs. Il est blessé d'une balle, qui lui a traversé le bras. Je veux servir comme lui dans l'armée catholique et royale.

    Les généraux le renvoyèrent à sa mère; mais quelques mois plus tard, il reparaissait dans l'armée, et il y servit avec son frère aîné.

    Il avait 11 ans.


    La veille du combat du Pont-Charrault, en 1793, Victor Monnereau, de Saint-Fulgent, âgé de 16 ans, s'était posté dans un chemin creux, non loin du pont, avec 29 de ses camarades.

    Une trentaine de cavaliers ennemis s'engagent en bon ordre sur le pont et débouchent dans le chemin creux occupé par la petite troupe que commandait Victor.
    Sans crier qui vive, les jeunes soldats s'élancent sur les patriotes.

    Un combat terrible s'engage.

    Pas un des cavaliers républicains ne put échapper.

    Victor et ses compagnons amenèrent en triomphe, au camp de Charette, les chevaux et les dépouilles des ennemis.

    Comme la Bretagne, la Vendée avait son combat des Trente; et les vainqueurs étaient des enfants.



    A la prise de Vihiers, le 3 juin 1793, au plus vif de la lutte, un enfant de Coron, âgé de 14 ans, se trouvait soudain, dans un étroit passage, en face d'un hussard, qui fond sur lui le sabre à la main.

    L'enfant attend le cavalier de pied ferme, et quand il voit son adversaire à portée de son arme, il fait feu sur lui et l'étend raide mort à ses pieds.

    Il n'était armé que d'un petit fusil de chasse.

    L'enfant de Coron ne nous remet-il pas sous les yeux, l'incomparable scène biblique du jeune David, terrassant avec sa fronde de berger le géant philistin Goliath ?

    Plaçons ici un dernier fait d'armes, d'un intérêt plus piquant encore peut-être…

  11. #31
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    Plaçons ici un dernier fait d'armes, d'un intérêt plus piquant encore peut-être, où nos jeunes chevaliers de la cause catholique nous apparaissent sur le champ de bataille en costume d'enfants de chœur.

    C'était au plus fort de la Terreur, au mois de janvier 1794.

    Un officier républicain, qui commandait le camp de Chiché, apprenant qu'une messe doit se célébrer dans le prieuré de Breuil-Chaussée, envoie 40 hussards pour dissiper cette assemblée antipatriotique.

    MM. de Richeteau et de Feu, les chefs de l'affaire des Moulins-Cornet, s'étaient placés en sentinelles au haut du clocher, pendant la célébration du saint sacrifice.

    Au milieu de l'office, apercevant les hussards qui s'avançaient sur la route de Bressuire, ils poussent le cri d'alarme.

    La panique s'empare aussitôt des femmes et des enfants, qui s'enfuient de tous côtés.


    Le prêtre reste seul à l'autel, s'abandonnant au sort que la Providence lui réserve.

    MM. de Richeteau et de Feu descendent précipitamment du clocher pour saisir leurs fusils à deux coups, qu'ils avaient laissés au bas de l'escalier, et s'élancer à la rencontre de l'ennemi.

    Mais déjà les deux enfants de chœur, dont l'un, Alexis des Nouhes, n'avait que 11 ans, s'étaient emparés de ces armes, et revêtus encore de leurs surplis, ils s'étaient embusqués derrière le mur de clôture du cimetière, en face de la route suivie par le détachement républicain.

    A l'arrivée des hussards, les deux enfants déchargent en même temps les quatre coups de leurs fusils.

    Les hussards épouvantés, se croyant tombés dans une embuscade, tournent bride et s'enfuient, au grand galop de leurs chevaux.

    Les deux petits choristes, soldats improvisés, sont acclamés par toute l'assemblée, dont ils sont proclamés les sauveurs (1).

    À côté de ces jeunes Bayards, la Vendée pouvait aussi montrer avec fierté ses jeunes d'Assas…

    _____________________________________________

    (1) Notes manuscrites d'ALEXIS DES NOUHES, de Saint-Fulgent.

  12. #32
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    À côté de ces jeunes Bayards, la Vendée pouvait aussi montrer avec fierté ses jeunes d'Assas, héroïques sentinelles, qui savaient mourir pour sauver l'armée.

    Un jour, près de la Châtaigneraie, un détachement de la division Huché, rencontrait un petit paysan, âgé de dix ans à peine, qui était posté, comme une sentinelle avancée, sur la lisière d'un bois.

    On l'interroge et on lui demande quelle direction devait prendre l'armée vendéenne.

    L'enfant sourit et répond : « Quand même je vous le dirais, vous ne me croiriez pas. »

    On le menace ; on le frappe à coups de baïonnette ; on lui promet la vie, s'il veut répondre aux questions qu'on lui fait.

    L'enfant garde un silence intrépide.

    Et on le tue.


    Un autre enfant d'une douzaine d'années, est un jour arrêté par une patrouille civique, au moment où il portait quelques provisions à un prêtre caché.

    — Où vas-tu avec ce panier ? lui dit un républicain.

    Le petit paysan se trouble d'abord ; il tremble et balbutie.

    — Dis-nous la vérité, petit brigand, ou je te fais fusiller, lui crie le patriote, d'une voix menaçante.

    Le pauvre enfant se débat : il hésite ; mais tout à coup il se ressaisit, fait un grand signe de croix et dit :

    — Tuez-moi ; faites de mon corps ce que vous voudrez; mais, j'en prends la sainte Vierge à témoin, je ne répondrai pas aux questions que vous me faites.

    C'est en vain que les gardes nationaux le menacent et lui appliquent la pointe de leurs baïonnettes sur la poitrine: le petit Vendéen demeure impassible et inébranlable.

    La furie révolutionnaire désarma devant l'implacable courage de cet enfant.

    Louis de la Paumelière avait 6 ans…

  13. #33
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    Louis de la Paumelière avait 6 ans quand il se dévoua pour sauver la vie de sa mère, de sa tante, Madame de Cambourg, et des six enfants que celle-ci entraînait avec elle, dans sa fuite devant les révolutionnaires.

    Cette famille de proscrits errait autour du château du Lavouër.

    Elle fut surprise par un escadron de hussards, qui battaient le pays, avec ordre de faire main basse sur tout ce qui tomberait à la portée de leur sabre.

    Un officier s'élance au galop, pour saisir ces malheureuses femmes et leurs enfants.

    Le jeune Louis court se jeter à genoux devant le cheval du républicain.

    Les mains jointes, il supplie le cavalier d'épargner ces femmes, ces enfants, d'épargner sa mère.

    Et pendant que l'enfant suppliait ainsi, dans une attitude et d'une voix qui pouvaient attendrir un cœur de tigre, son petit frère, âgé de deux ans, couvrait de ses bras, comme pour la défendre, la tête de la nourrice qui le portait à son cou.

    — Non, s'écrie l'officier, touché jusqu'aux larmes, je ne puis résister à ces enfants.

    Sauvez-vous, dit-il aux femmes, sauvez-vous, et surtout cachez-vous bien.

    La férocité des persécuteurs était encore une fois vaincue, vaincue par l'héroïsme armé de tous les charmes de l'innocence.

    On sait que plus de 600 enfants furent les victimes de Carrier…

  14. #34
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    On sait que plus de 600 enfants furent les victimes de Carrier, dans les noyades de Nantes.

    Deux jeunes orphelins, Auguste Piet, de Beaurepaire, âgé de 9 ans, et sa sœur Sophie, qui n'en avait que 8, étaient sur le point d'être jetés à la Loire.

    Touchés de compassion et d'un tendre intérêt pour Sophie, les bourreaux ont résolu de la sauver.

    — Sauverez-vous aussi mon petit frère ? leur dit-elle.

    —Non, répondent brutalement ces hommes ; nous voulons te sauver seule.

    — Eh bien ! noyez-moi avec Auguste, reprend-elle : car maman nous a dit de ne jamais nous séparer.

    Emerveillés d'une telle grandeur d'âme dans une enfant de 8 ans, les terribles ministres de Carrier rendirent la liberté au frère et à la sœur.

    Une dame de la halle se chargea de Sophie, et une voisine prit Auguste à son service.

    Sophie devint plus tard Madame de Lusignan.

    Est-ce que le dévoûment de la jeune fille pour son frère ne lui méritait pas cet honneur de porter un des plus beaux noms de France ?


    Est-il moins héroïque, cet enfant de 7 ans que sa mère serrait dans ses bras, pour le soustraire à la rage des égorgeurs, et qui, se mettant la main devant les yeux, criait au bourreau : « Je vous en prie, citoyen, dépêchez-vous de me faire mourir le premier; je ne veux pas voir tuer ma mère? (1) ».

    Quel tableau ravissant sous le pinceau d'un grand maître !.

    Enfin, voici deux derniers traits, où l'âme des jeunes héros…
    _________________________________________________

    (1) CRETINEAU-JOLY, T. II, page 154.

  15. #35
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    Re: Le Martyre de la Vendée



    Enfin, voici deux derniers traits, où l'âme des jeunes héros s'élève jusqu'au suprême courage et à la gloire des martyrs.

    Quatre paysans vendéens venaient d'être condamnés à mourir sur l'échafaud, à Chantonnay.

    L'un d'eux, un tout jeune homme, presque un enfant, obtient la faveur d'être exécuté le dernier.

    Couvert du sang de ses compagnons, qu'il avait encouragés jusqu'à la fin, il demande à parler au peuple avant de mourir.

    Dans un langage inculte, mais plein d'une éloquence saisissante, il adjure les témoins de son supplice de ne pas suivre le parti de ceux qui font la guerre à Dieu.

    — Sachez, leur dit-il, que le sang des justes crie vengeance, et que la foudre du ciel tombera sur la tête de leurs persécuteurs.

    Puis, avec un visage calme et recueilli, le jeune martyr fait le signe de la croix et présente avec fermeté sa tête au bourreau (1).


    En 1794, une des colonnes infernales, dans ses sanglantes chevauchées, rencontrait aux Grands-Champs de la Rousselière, sur la commune de Tessoualle, une jeune fille, Madeleine Barbault, qui fuyait à travers la campagne avec son frère et sa sœur, tous deux en bas âge.

    Un des massacreurs les atteint et décharge un coup de sabre sur la tête de la plus jeune sœur, mais l'enfant est préservée par l'épaisseur de son bonnet.


    Madeleine, prenant alors son frère et sa sœur par la main, se met à genoux avec eux devant les bourreaux, et ôte sa coiffure, pour recevoir plus sûrement le coup de mort.

    — Tu es donc prête à mourir ? lui dit un des soldats.

    — Oui, je suis prête, répond-elle avec fermeté.

    — Alors, fais ton acte de contrition.

    — Je l'ai fait.

    — Tu n'as donc pas peur?

    — Non, frappe.

    Le révolutionnaire, stupéfait d'un pareil courage dans cette jeune fille, lui laisse la vie sauve et la fait prisonnière.

    On veut la conduire à Saumur; mais elle ne consent à quitter le pays qu'à la condition d'emmener avec elle ce frère et cette sœur, que son héroïsme venait de sauver.
    _______________________________________________

    (1) Notes du comte de LA BOUTETIÈRE, Paris, 1869.
    A suivre : L'HÉROÏSME DE LA CLÉMENCE ET DU PARDON CHEZ LES VENDÉENS, PENDANT LA TERREUR

  16. #36
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    V

    L'HÉROÏSME DE LA CLÉMENCE ET DU PARDON CHEZ LES VENDÉENS, PENDANT LA TERREUR

    « Pardonnez à vos ennemis et faites du bien à ceux « qui vous persécutent. »

    La pratique de ce sublime précepte de la charité chrétienne jette un incomparable éclat sur toutes les pages de l'histoire de la persécution des terroristes en Vendée.

    On connaît déjà les exemples illustres donnés par Bibard, d'Elbée, Lescure et Bonchamp (1).

    Nous terminons ce chapitre de l'héroïsme vendéen pendant la Terreur par quelques traits qui, pour être moins célèbres, n'en sont pas moins dignes de notre admiration.


    Au plus fort de la tourmente révolutionnaire. Henri Gouraud, sieur de la Gémaubretière, dans la commune de Beaurepaire, donnait asile en même temps à un prêtre et à un soldat républicain, qu'il avait ramassé tout sanglant sur le champ de bataille.

    Il fut sur le point d'être le martyr de sa magnanime hospitalité.

    Un jour, les Bleus viennent cerner son logis, réclamant la tête du seigneur de la Gémaubretière. Déjà les fusils étaient braqués contre sa poitrine lorsqu'un cri se fait entendre :

    — Grâce, grâce pour cet homme ; ne tuez pas celui qui m'a sauvé la vie.

    C'était le soldat républicain qui intervenait pour sauver son bienfaiteur.

    A ces mots, la bande est désarmée et acclame la charité généreuse du Vendéen (1).


    Pierre Cathelineau, un des frères du généralissime, avait laissé à Izernay 17 prisonniers républicains, qu'on venait de parquer dans une chambre basse du presbytère.

    A la nouvelle de cette capture, une foule de femmes et d'enfants s'assemblent autour des captifs, et des cris furieux se font entendre :

    — Voilà les assassins de nos maris, de nos fils et de nos frères ! A mort les bourreaux ! Qu'on les fusille !

    On était sur le point de les passer par les armes.

    Tout à coup on voit accourir un jeune paysan d'Izernay ; c'est Jacques Vandangeon, dit le Sabreur, dont le père avait été récemment fusillé par les Bleus.

    Il s'élance sur le seuil de la porte.

    — Que voulez-vous faire? s'écrie-t-il ; vous voulez tuer ces hommes? Et ne savez-vous pas qu'un prisonnier est chose sacrée ? Je les prends sous ma garde.

    Et alors tirant son sabre et le brandissant sur sa tête :

    — Si quelqu'un, dit-il, veut toucher à ces captifs, qui sont peut-être les meurtriers de mon père, il faudra qu'il me passe sur le corps.

    Devant cette noble et énergique attitude du jeune paysan, toutes les colères s'apaisent.

    — Il a raison, s'écrie la foule.

    Et par un élan unanime de générosité, tout le monde pardonne ; et on distribue aux prisonniers du pain et des vêtements (1).


    L'héroïsme de la clémence et du pardon !

    _____________________________________________________________

    (1) V. La Vendée militaire, pp. 56, 73, 116, 128, 129. — (1) Cet Henri Gouraud appartenait à la famille qui porta successivement les noms de Gouraud de la Guibonnière, de la Proustière, de la Bonnelière et de la Gémaubretière. Né en 1770, il avait épousé, pendant la Terreur, Marie-Anne Lumineau. Son alliance fut bénie par un prêtre catholique, sous une loge de feuillage, dans l'un des fourrés de la forêt du Parc. Un rameau de houx servit de goupillon. — (1) CRETINEAU-JOLY, T. I, p. 303.


  17. #37
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    L'héroïsme de la clémence et du pardon ! nous pouvons en présenter ici comme une personnification vivante dans la suave et angélique physionomie d'une religieuse, la sœur Agnès, de la Congrégation des Filles de la Sagesse.

    Le père de la sœur Agnès avait été fermier du marquis de la Rochejacquelein.

    A l'aide de ses économies, il avait acheté, près de Châtillon, une petite gentilhommière, appelée le Logis-de-Bel-Air. Il était connu dans le pays sous le nom de Grand-Pierre, vrai type de l'honnête homme, du parfait Vendéen et du chrétien de la vieille roche.

    L'aîné de ses fils fut un prêtre pieux et fervent.

    Les deux cadets, Louis et Jean, prirent les armes avec leur père, en 1793, et donnèrent leur sang pour la grande cause religieuse que défendait la Vendée.

    Geneviève, la plus jeune de ses trois filles, entra dans la Congrégation des Filles de la Sagesse, et prit le voile sous le nom de sœur Agnès.

    Après avoir pillé le couvent et massacré un certain nombre de religieuses, les républicains emmenèrent à Cholet deux ou trois sœurs, pour soigner les malades et les blessés de leur hôpital. Sœur Agnès fut de ce nombre.

    Un soir, les sœurs Agnès et Victorien étaient occupées dans la pharmacie à préparer des remèdes, lorsqu'elles crurent entendre une voix plaintive, mêlée aux sifflements d'une bise glaciale, qui ébranlait la fenêtre. Ce gémissement semblait venir d'une ruelle qui longeait l'hôpital.

    — C'est peut-être un homme qui se meurt, dit sœur Agnès ; il faut voir.

    Les deux religieuses se hâtent d'entr'ouvrir la porte ; elles regardent. Un homme était là, assis le long de la muraille, la tête appuyée sur ses deux mains.

    La nuit était sombre, de grands nuages noirs couvraient l'horizon ; la ruelle était déserte.

    La sœur Agnès prend une lanterne et s'approche de cet homme.

    — Que faites-vous là, mon ami ? lui dit-elle ; êtes-vous malade ?

    C'était un soldat blessé. Il lève péniblement la tête, et se tourne à demi du côté de la sœur.

    En ce moment, la lumière de la lanterne donnait en plein sur le visage du soldat.

    La religieuse pousse un cri.

    — Mon Dieu! mon Dieu! s'écrie-t-elle, c'est Jean, c'est mon frère ! Quoi ! c'est donc toi, mon frère bien-aimé !

    — Oui, c'est moi, répond Jean, d'une voix mourante; ma sœur, ma chère sœur, que je suis heureux de te voir ! mais je suis blessé, blessé à mort !

    Le pauvre blessé ne pouvait se tenir debout. Les deux vaillantes filles le soulèvent et le portent sur un lit.

    Il avait été frappé en pleine poitrine, et ses vêtements étaient inondés de sang.

    Sœur Agnès, les yeux pleins de larmes, regardait son frère.

    Celui-ci, serrant dans ses mains crispées la main de sa sœur :

    — Je savais que tu étais ici, lui dit-il, d'une voix presque éteinte... J'étais avec Monsieur Henri, près de Cholet; j'ai voulu te voir. Arrivé dans la rue de l'hôpital, j'ai rencontré un Bleu, qui, sans rien dire, m'a tiré un coup de fusil dans la poitrine. Je suis tombé. Le soldat me croyant mort, m'a pris ma montre, à laquelle était attachée la médaille de sainte Radégonde que tu m'avais donnée... Revenu à moi, j'ai pu me traîner sur les mains et sur les genoux jusqu'à l'hôpital. La lumière de la fenêtre m'a guidé.

    Après un moment de repos, Jean reprit : …

  18. #38
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    Re: Le Martyre de la Vendée

    Après un moment de repos, Jean reprit :

    — Je vais mourir, puisque le bon Dieu le veut; mais je suis content ; j'ai pu te voir, ma chère Geneviève... Ne me plains pas ; ce matin, j'ai fait mes dévotions... Je pardonne à cet homme. Je vais rejoindre notre mère et notre sœur aînée... Prie pour moi... Je ne t'oublierai pas au ciel... Mon père... mon bon frère prêtre... mon frère Louis... ma sœur Françoise... dis-leur aussi...

    Le jeune Vendéen se tut. Ses mains glacées erraient autour de lui, pendant que ses yeux à demi voilés demeuraient fixés sur sa sœur, qui sanglotait et qui priait.

    Ses lèvres s'agitèrent de nouveau; on l'entendit murmurer les saints noms de Jésus et de Marie; puis il rendit à Dieu sa belle âme.

    Sœur Agnès se jette à genoux. « O mon Dieu, dit-elle, cette croix est bien lourde ! donnez-moi la force de la porter par amour pour vous. 0 Jésus, ô Marie, donnez-moi la grâce de mourir avec les sentiments de mon frère, en vraie Fille de la Sagesse. »


    Le lendemain, on déposa dans un humble cercueil, le corps du soldat vendéen, revêtu de son uniforme, avec son chapelet autour du cou, et l'image du Sacré-Cœur sur la poitrine.

    On l'enterra dans la fosse commune, pêle-mêle avec les cadavres des patriotes.

    Le jour même, sur le soir, on amenait à l'hôpital plusieurs républicains blessés.

    Pendant que sœur Agnès examinait la blessure de l'un d'eux, elle aperçoit entre ses mains une montre, à laquelle était attachée une médaille de sainte Radégonde.

    Cet homme était bien le meurtrier de Jean. Et en effet, quelques instants après, il se vantait à l'un de ses camarades d'avoir tué un brigand et de lui avoir pris sa montre.

    Sœur Agnès se sentit défaillir, et souffrit, dans une minute, toutes les angoisses de l'agonie.

    Mais quand le chirurgien lui dit : « Voulez-vous m'aider à nouer cette bande? », la Vendéenne et la religieuse se retrouva ; la nature était vaincue par la charité.

    Le lendemain, les Vendéens prenaient Cholet, et on les disait exaspérés par la cruauté des massacres que les patriotes avaient commis à Saint-Laurent-sur-Sèvre.

    Sœur Agnès craignait pour ses malades et ses blessés de terribles représailles.

    En ce moment, deux républicains, se traînant avec peine, cherchaient à sortir de l'hôpital, et l'un d'eux est le meurtrier de ce frère bien-aimé qu'elle vient d'ensevelir.

    — Il est trop tard pour fuir, leur dit-elle : rentrez, nous allons vous sauver.

    Et s'adressant à ses compagnes, elle leur dit : « Pour l'amour de Dieu, mes chères sœurs, sauvons ces hommes. Faisons-les changer de vêtements ; nous cacherons leurs uniformes et on ne pourra pas les reconnaître.

    Le plan de sœur Agnès fut immédiatement accepté et mis à exécution.

    Tous les malades furent sauvés.

    L'héroïne de la clémence et du pardon suivit l'expédition d'Outre-Loire.

    Elle mourut trois jours après la bataille de Savenay. Elle avait été recueillie par une pieuse femme, qui lui fit creuser une fosse sur un tertre, en face de la Loire.

    Une petite croix fut plantée sur la tombe solitaire de la vierge chrétienne.

    On dit que des faveurs spirituelles et temporelles ont été obtenues par son intercession.

    L'humble croix qui dominait le tertre se voyait encore longtemps après la Révolution.
    On l'appelait dans le pays la Croix de la Sainte (1).
    ____________________________________________________

    (1) V. la Notice sur la sœur Agnès, par le P. FONTENEAU.

    Chapitre II. LES PRÉLUDES DE LA PERSÉCUTION, DE 1790 A 1791. — LES INTRUS. — L'ÉVÊQUE CONSTITUTIONNEL RODRIGUE. — LES PREMIERS PRÊTRES VENDÉENS EMPRISONNÉS POUR LA FOI.


  19. #39
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    Re: Le Martyre de la Vendée


    I

    LOIS DE PERSÉCUTION ET PREMIERS MASSACRES

    « Avant tout, il faut décatholiciser la France ». s'écriait l'un des initiateurs et des promoteurs les plus puissants de la Révolution française, Mirabeau.

    Il exprimait ainsi, avec autant de cynisme que de vérité, la doctrine, le programme et le mot d'ordre fidèlement suivis par la persécution révolutionnaire, dont nos martyrs vendéens furent les invincibles et glorieuses victimes.

    Et l'arme formidable que la franc-maçonnerie mit aux mains de la Révolution, pour réaliser cet infernal dessein, fut la Constitution civile du clergé, votée par l'Assemblée Constituante, le 12 juillet 1790.

    Cette constitution, condamnée par deux brefs de Pie VI (1), avait la prétention monstrueuse d'anéantir la suprématie du Saint-Siège, et de lui substituer un pouvoir purement civil et démocratique.

    Elle usurpait, au profit de l'Etat, le droit divin et inaliénable de la papauté, en décrétant que les évêques et les curés seraient choisis par le corps électoral, avec défense de recourir au Souverain Pontife, pour qu'il eût à confirmer cette élection par l'institution canonique.

    Elle organisait le presbytérianisme, en donnant aux curés le droit de choisir leurs vicaires en dehors de toute intervention de l'autorité épiscopale.

    Enfin, bouleversant toutes les circonscriptions diocésaines et paroissiales, elle supprimait un grand nombre de paroisses, et réduisait les 135 diocèses français à 83 diocèses, dont elle identifiait le territoire avec celui des 83 départements.

    C'était la Révolution de 1789, avec son orgueilleuse déclaration des droits de l'homme contre les droits de Dieu, qui prétendait légalement s'introduire et s'installer dans l'Église de France.

    En exigeant (1) le serment de fidélité à cette constitution hérétique et schismatique, le pouvoir révolutionnaire imposait au clergé français l'apostasie, et il ouvrait ainsi l'ère de la persécution et du martyre.

    Le refus du serment était bien une profession de foi catholique.

    Plus de 50.000 prêtres sur 60.000 le refusèrent, et un grand nombre des prêtres jureurs ou assermentés réparèrent un moment de faiblesse ou de surprise par une courageuse rétractation.

    Le département de la Vendée eut la gloire de compter jusqu'à 196 de ces intrépides réfractaires au serment sacrilège, et presque tous ceux qui l'avaient prêté le rétractèrent (2).

    La Révolution venait de rencontrer devant elle ces prodigieux adversaires…

    ___________________________________________________________________

    (1) Pie VI, dans ces deux brefs, l'un du 10 mars 1791, l'autre du 13 avril de la même année, dénonçait à tout le clergé et à tous les fidèles de France, la Constitution civile du clergé comme hérétique, schismatique, sacrilège et subversive des droits du Saint-Siège.
    (1) Décrets du 20 mars, du 15 avril et du 24 juillet 1790.
    (2) B. FILLON, Recherches historiques et archéologiques, sur Fontenay-le-Comte, T. I. page 348.

  20. #40
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    Re: Le Martyre de la Vendée

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    La Révolution venait de rencontrer devant elle ces prodigieux adversaires dont saint Cyprien disait : « On peut les tuer, on ne pourra jamais les vaincre (1). »

    Mais une fois engagée dans cette lutte furieuse, elle ne recula plus, et chaque jour elle marquait les pas de sa marche en avant par la violence de ses décrets et par la brutale cruauté de ses actes.

    Dès le 13 février 1790, l'Assemblée Nationale avait supprimé les vœux monastiques et tous les ordres religieux (2).

    Le 30 janvier 1791, une loi frappait de suspension tous les prêtres réfractaires.

    Le 26 du mois d'août 1792, l'Assemblée Législative (3) décrétait « que tous les ecclésiastiques assujettis au serment et qui ne l'ont pas prêté, ou qui l'ont rétracté et qui persistent dans leur rétractation, seront tenus de sortir, sous les huit jours, des limites du district et du département de leur résidence, et dans la quinzaine, hors du royaume.

    « Passé ce délai de quinze jours, les ecclésiastiques non assermentés qui n'auraient pas obéi aux dispositions précédentes, seront déportés à la Guyane française (4). »

    Mais bientôt les actes dépassèrent la cruauté de ces arrêts persécuteurs, et le dimanche, 2 septembre 1792, les bourreaux révolutionnaires massacrèrent au couvent des Carmes, dans les prisons de Saint-Firmin, de l'Abbaye et de la Force 217 ecclésiastiques.

    Parmi les 114 victimes de la prison des Carmes, la Vendée comptait un martyr, le diacre Augustin-Robert de Lézardière, étudiant en théologie au séminaire de Saint-Sulpice.

    Nous lisons dans l'un des articles du procès de béatification de ces premiers martyrs de la Révolution française : …

    _______________________________________________

    (1) Le 9 octobre 1791, le rapport fait à l'Assemblée Législative par les commissaires Gallois et Gensonné établissait que la prestation du serment « fut, pour la Vendée, la première cause des troubles ». « Dans l'Ouest, dit Jules Simon, tout le monde était pour les réfractaires, et les considérait comme des martyrs. » — (2) Le 18 août 1792, l'Assemblée Nationale confirmait le décret du 13 février 1790. en interdisant le port de tout costume religieux.— (3) L'Assemblée Législative succédait à l'Assemblée Constituante le 30 septembre 1791. — (4) Moniteur, séances du 23 et du 26 août 1792. — DUVERGIER, lois et décrets, T. IV, page 423.

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