V
L'HÉROÏSME DE LA CLÉMENCE ET DU PARDON CHEZ LES VENDÉENS, PENDANT LA TERREUR
«
Pardonnez à vos ennemis et faites du bien à ceux « qui vous persécutent. »
La pratique de ce sublime précepte de la charité chrétienne jette un incomparable éclat sur toutes les pages de l'histoire de la persécution des terroristes en Vendée.
On connaît déjà les exemples illustres donnés par Bibard, d'Elbée, Lescure et Bonchamp (
1).
Nous terminons ce chapitre de l'
héroïsme vendéen pendant la
Terreur par quelques traits qui, pour être moins célèbres, n'en sont pas moins dignes de notre admiration.
Au plus fort de la tourmente révolutionnaire. Henri Gouraud, sieur de la Gémaubretière, dans la commune de Beaurepaire, donnait asile en même temps à un prêtre et à un soldat républicain, qu'il avait ramassé tout sanglant sur le champ de bataille.
Il fut sur le point d'être le martyr de sa magnanime hospitalité.
Un jour, les Bleus viennent cerner son logis, réclamant la tête du seigneur de la Gémaubretière. Déjà les fusils étaient braqués contre sa poitrine lorsqu'un cri se fait entendre :
— Grâce, grâce pour cet homme ; ne tuez pas celui qui m'a sauvé la vie.
C'était le soldat républicain qui intervenait pour sauver son bienfaiteur.
A ces mots, la bande est désarmée et acclame la charité généreuse du Vendéen (
1).
Pierre Cathelineau, un des frères du généralissime, avait laissé à Izernay 17 prisonniers républicains, qu'on venait de parquer dans une chambre basse du presbytère.
A la nouvelle de cette capture, une foule de femmes et d'enfants s'assemblent autour des captifs, et des cris furieux se font entendre :
— Voilà les assassins de nos maris, de nos fils et de nos frères ! A mort les bourreaux ! Qu'on les fusille !
On était sur le point de les passer par les armes.
Tout à coup on voit accourir un jeune paysan d'Izernay ; c'est Jacques Vandangeon, dit le
Sabreur, dont le père avait été récemment fusillé par les Bleus.
Il s'élance sur le seuil de la porte.
— Que voulez-vous faire? s'écrie-t-il ; vous voulez tuer ces hommes? Et ne savez-vous pas qu'un prisonnier est chose sacrée ? Je les prends sous ma garde.
Et alors tirant son sabre et le brandissant sur sa tête :
— Si quelqu'un, dit-il, veut toucher à ces captifs, qui sont peut-être les meurtriers de mon père, il faudra qu'il me passe sur le corps.
Devant cette noble et énergique attitude du jeune paysan, toutes les colères s'apaisent.
— Il a raison, s'écrie la foule.
Et par un élan unanime de générosité, tout le monde pardonne ; et on distribue aux prisonniers du pain et des vêtements (
1).
L'héroïsme de la clémence et du pardon !…
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(1) V.
La Vendée militaire, pp. 56, 73, 116, 128, 129. — (1) Cet Henri Gouraud appartenait à la famille qui porta successivement les noms de
Gouraud de la Guibonnière, de la
Proustière, de la
Bonnelière et de la
Gémaubretière. Né en 1770, il avait épousé, pendant la Terreur, Marie-Anne Lumineau. Son alliance fut bénie par un prêtre catholique, sous une loge de feuillage, dans l'un des fourrés de la forêt du Parc. Un rameau de houx servit de goupillon. — (1) CRETINEAU-JOLY, T. I, p. 303.
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