LE
SAINT ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST
SELON SAINT MATTHIEU

INTRODUCTION

L'auteur du premier évangile est l'apôtre S. Matthieu. Il n'y a qu'une voix à cet égard dans la tradition. Les Pères s'accordent également à dire que cet évangile a paru avant tous les autres, que S. Matthieu l'a écrit en hébreu pour l'usage des chrétiens de Judée, avant de quitter ce pays pour aller prêcher la foi parmi les Gentils, entre l'an 45 et l'an 48, un peu avant que S. Paul écrivît ses premières Epîtres. Quant à la version grecque du texte hébreu de S. Matthieu, il est certain que, si l'auteur ne l'a pas faite lui-même, comme Josèphe a fait la traduction de sa Guerre des Juifs, elle date du moins du temps des apôtres et a dû être approuvée par eux; car dès le premier siècle, et avant la mort de S. Jean, elle était citée et reçue par toute l'Eglise avec l'autorité des textes inspirés; et s'il en avait été autrement, on aurait peine à s'expliquer la disparition du texte hébreu.

L'évangile de S. Matthieu n'est pas proprement une histoire, une biographie. On y trouve bien une esquisse de la vie du Sauveur et un sommaire de sa prédication. Mais les faits n'y tiennent pas une grande place ; ils sont peu circonstanciés et souvent groupés, comme les discours, suivant leurs analogies. L'ordre chronologique fait défaut, aussi bien que les dates. Le dessein de l'auteur est donc, avant tout, dogmatique et moral. Ce qu'il se propose, c'est de montrer à ses lecteurs, ce qu'il a prêché jusque-là de vive voix, que Jésus est le Messie promis au peuple Juif, qu'il faut croire à sa parole, accepter ses maximes, entrer dans son Eglise, et se conformer à ses lois. Aussi s'attache-t-il à signaler dans sa personne toutes les prérogatives que les prophètes ont attribuées au Messie, celles de roi, de législateur, de thaumaturge, de prophète, de souverain prêtre. A tous ces points de vue, il a soin de faire remarquer l'accord des prophéties avec les faits qu'il décrit.

Cet évangile a été appelé quelquefois l'évangile du royaume des cieux, parce qu'on y voit annoncée et souvent désignée sous ce nom l'œuvre que le Fils de Dieu venait accomplir en ce monde; mais l'auteur a soin de faire sentir que sa royauté est spirituelle, qu'elle a pour fin le salut des âmes.

Ses vingt-huit chapitres se divisent en trois parties : les premières années du Sauveur, sa prédication, ses derniers jours. Les premières années du Sauveur remplissent trois chapitres, dans lesquels il est surtout représenté comme roi, I-III. Ses derniers jours, depuis le commencement de sa Passion jusqu'à son retour au ciel, en occupent trois également, XXVI-XXVIII: Notre Seigneur y paraît comme prêtre et victime. La partie intermédiaire, la seconde, est de beaucoup plus considérable, IV-XXV. Si l'on en fait deux sections, on aura d'abord sa prédication dans la Galilée, IV-XVIII, puis son ministère, si laborieux et si combattu, dans la Judée, XIX-XXV. La première fait voir en lui le législateur, IV-VII, et le thaumaturge, VIII-XVIII. Dans la seconde, XIX-XXV, il agit en prophète : il enseigne, il reprend, il prédit. Mais ces points de vue s'entremêlent, et il paraît plusieurs fois sous le même aspect.

Les caractères de cet évangile s'accordent sur tous les points avec le témoignage de la tradition.

On ne peut s'empêcher de reconnaître, en le lisant, que l'auteur était juif, qu'il avait été témoin des faits, qu'il écrivait pour les Juifs de Palestine, à une époque peu éloignée de la mort du Sauveur, enfin qu'il avait bien le caractère et les dispositions que devait avoir S. Matthieu.
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L'auteur était juif de naissance…