IV

Sans doute cette qualification générale, que nous appliquons à la Vendée militaire, ne serait pas juste dans le sens précis des règles qui régissent la Congrégation des Rites dans la canonisation des saints.

Mais elle est vraie dans un sens large, qui est hautement autorisé par le langage des Pères et des Docteurs de l'Eglise.

De graves autorités décernent le nom de martyrs aux soldats qui ont succombé en combattant les ennemis du Christ, et qui ont conservé jusqu'au dernier soupir cette ardeur de foi chrétienne qui leur fit prendre les armes (1).

Les papes Urbain II, Eugène IV, Alexandre III, les Pères du 3e concile de Latran (2) rangeaient aussi dans l'armée des martyrs les croisés qui étaient tués dans les guerres dirigées contre les Sarrasins (3).

Et Pie VI n'a-t-il pas canonisé en quelque sorte la Vendée de 1793, en consacrant la mémoire de ses soldats par ces paroles solennelles : « Ils ont bien mérité de notre religion sainte... Ils nous ont laissé d'illustres exemples de courage chrétien et d'inébranlable fidélité au pouvoir légitime (4). »

« On ne peut non plus, dit Guillon, refuser le titre de martyrs aux soldats vendéens prisonniers qui furent condamnés à mort, et qui confessèrent jusqu'à la fin la foi pour laquelle ils avaient pris les armes (1). »

Si on se rappelle que, en 1816, on comptait en Vendée jusqu'à 3o.ooo veuves et 140.000 orphelins, on pourra se faire une idée de l'immense multitude de ces martyrs armés de la foi, qui ont gagné la palme de leur victoire, en recevant le baptême de sang avec le baptême du feu dans la mêlée des combats.

Combien cette héroïque multitude va se grossir encore des recrues de tant de prêtres, de tant de religieux et de religieuses, de tant de pieux laïques de tout âge, qui sont morts dans les prisons, qui ont porté leur tête sur l'échafaud, juridiquement immolés pour la même cause qui armait la Vendée ! (2).

Et que faut-il penser de tout ce peuple d'êtres infirmes...
_____________________________________________

(1) Cûm quis, propter bonum commune, mortem sustinet, si hoc referatur ad Christum, AUREOLAM merebitur et MARTYR erit, utpote si rempu blicam defendat ab hostium impugnatione qui fidem Christi corrumpere moliuntur, et in tali defensione sustinet. S. Th., in 4um. Lib. sententiarum. Distinc. 49., a. 3., in q. 2, ad 11. — Sum., 2,2, q. 124 ad Ium. — Martyrem facit causa. S. Aug., in ps. 24. Epist. 204, nº 4.
(2) 3e Conc. de Latran, Canon 27e.
(3) Les Martyrs de la foi, T. 1, pp. 33, 333, 335. — MARIANA, Hist. hisp. Lib. 11, c. xxv. Multos Sarraceni occidunt, qui martyres censeri possunt, cum occisi sunt in odium religionis. JULIEN, archev. de Tolède.
(4) De sancta religione bene meruerunt... Juvabit pascere animum, prœclara illa christianae virtutis et immobilis in legitimam potestatem fidei exempla intuendo. Bref au vicomte Walsh.
(1) GUILLON, ibid. T. 1, p. 332.
(2) GUILLON, ibid. p. 332.