Les prêtres apostats étaient officiellement installés à la place des vrais pasteurs, réduits à se cacher ou à s'exiler du sol de la patrie. Mais l'horreur des populations vendéennes pour les intrus était générale et invincible.

Afin de n'avoir pas à installer les prêtres qui avaient prêté serment à la Constitution civile du clergé, presque toutes les municipalités du Bocage envoyaient leur démission à l'administration centrale.

Le 22 juillet 1791, les religieuses de Notre-Dame de Fontenay faisaient appel à l'autorité du Directoire du département, pour conserver la liberté de leur conscience, et leur supplique était l'expression exacte de la pensée du peuple.

« Les religieuses de Notre-Dame, disaient-elles, n'ignorent pas que l'obéissance est due aux puissances de la terre ; elles ne s'y refuseront jamais, pourvu qu'on ne jette pas l'effroi dans leur âme. Mais si on exige de nous que nous reconnaissions un évêque constitutionnel, que nous mettions notre confiance dans un prêtre assermenté pour diriger nos pensées et nos actions, nous n'y adhérerons jamais. »

Le 18 décembre de la même année, les habitants de Bazoges-en-Pareds signaient une pétition semblable au ministre de l'intérieur.

« Les gardes nationaux, écrivaient-ils, menacent de coups de fusil et de baïonnettes ceux qui entendent la messe des prêtres non assermentés. Quelque doux et paisible que soit le peuple, pourrait-il négliger le droit de l'insurrection ? »

Ce droit était en effet garanti par la Constitution, de sorte que les catholiques opprimés, en prenant les armes contre leurs oppresseurs, étaient dans la légalité, même au point de vue politique (1).

Les faits confirment la sincérité de ces loyales et courageuses déclarations.

Le curé constitutionnel du Château-d'Olonne, se rendant un jour à l'Audonnière, était assailli à coups de pierres par la fille du meunier du bourg.

Le curé du Roussay, prêtre assermenté, écrivait au district de Cholet : « Je suis insulté, bafoué à l'autel, poursuivi à coups de pierre. Je n'ai ni chantres, ni sacristain, ni clercs, et pour tout dire, je n'ai même pas de paroissiens. »

A Venansault, pas un habitant n'avait voulu communiquer avec les prêtres jureurs.

Le sacristain, Loué, se distingua parmi les plus énergiques défenseurs du culte orthodoxe.

Quand il apprit que l'évêque de Luçon, Monseigneur de Mercy, avait refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé, Loué, fier de cet acte de vigueur de son évêque, voulut se donner la gloire d'écrire, en son patois bas-poitevin, une lettre de félicitations au vaillant prélat.

Touché de ce naïf témoignage, que lui rendait l'humble sacristain de Venansault, Monseigneur de Mercy lui fit une réponse pleine de bienveillance.

Dans l'enthousiasme de sa reconnaissance, Loué, attachant, en guise de bannière, un linge blanc au bout d'un bâton, y fixa la lettre épiscopale, et la promena comme un trophée dans tous les hameaux de la paroisse.

Il poussa plus loin les saintes audaces de son zèle. Il obtint des autorités révolutionnaires du district la permission d'aménager un édifice privé, où son vénérable curé, M. Thomas, put célébrer pendant quelque temps les cérémonies du culte catholique (1).

L'opiniâtreté magnifique de ce peuple à garder sa foi...
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(1) D. CHAMARD. Les Origines, p. 302 .
(1) Vie de Mathieu Gruchy, par l'abbé Du Tressay.