« Nous arrivons à Paris. Je me rendis chez mon frère Menfalon, directeur des fermes du roi, rue de la Sourdière.
« Je passais mes journées chez Madame de Saint-Wast, rue Saint-Honoré. Je fus témoin de tous les incidents du procès de l'infortuné Louis XVI, et j'entendis des voix féroces crier dans les rues : Arrêt de la Convention, qui condamne Louis Capet à la mort.
« On m'avait prié d'aller voir la famille Lézardière, qui était vendéenne. Elle demeurait rue Serpente, n° 16. Je m'y rendis ; je frappai trois fois; mais on n'avait garde de m'ouvrir: car le prêtre qui confessa le roi cette nuit-là même était là, qui attendait qu'on le vint chercher. Voyant qu'on ne me répondait pas, je craignis de m'être trompé.
« J'aperçus un homme qui faisait les cent pas dans la rue. Je l'abordai en lui disant : Monsieur, est-ce bien là le n°16?
« L'ombre du réverbère m'empêchait de distinguer.
« A ce mot Monsieur, il se mit à crier à l'aristocrate.
« C'était une sentinelle de la garde nationale, en habit bourgeois. Je me mis à fuir vers Saint-André-des-Arts.
« Le lendemain, 21 janvier, je me rendis à 9 heures à l'Hôtel Saint-Wast. Nous entendîmes très distinctement le roulement des tambours ordonné par Santerre au moment où le roi voulut parler.
« Ces détails ont fait ma fortune en Angleterre, et m'ont valu la bienveillance de plusieurs personnes, spécialement de Monseigneur l'évêque de Saint-Pol-de-Léon, qui fut le père des prêtres exilés dans la Grande-Bretagne.
« Je partis enfin le 23 janvier. Je n'avais d'autres papiers que l'arrêt du district et deux lettres de recommandation de l'excellent abbé de Tersans, l'un des plus savants hommes de France, qui m'avait aussi contraint d'accepter une lettre de crédit de 4.500 francs.
« Nous étions au grand complet dans l'intérieur de la voiture.
« En arrivant à Calais, je reconnus, dans la cour de l'hôtel où nous descendîmes, deux émigrés vendéens qui rentraient, Monsieur Bodreau, ancien procureur du roi à Nantes, et Monsieur de l'Epinay-Soulandeau, qui a épousé la veuve de Charette. Je me joignis à eux, mais nous faisions semblant de ne pas nous connaître.
« J'attendis deux jours le départ du paquebot.
« Je dormis pendant toute la traversée. La mer était grosse, mais bientôt les eaux se calmèrent, et nous prîmes terre à Douvres.
« Tous les passagers qui étaient destinés pour Londres se réunirent dans le même hôtel. J'étais au salon, près du feu, avec mes compagnons de voyage, lorsque entra un jeune homme, d'une mise recherchée, qui nous dit : « Messieurs, je repars pour Calais. Si vous voulez écrire en France, je me chargerai de vos lettres. »
« J'agréai cette offre, et je me mis à écrire à Paris, à Poitiers, à Luçon.
« A Londres, je descendis chez l'abbé Brault…
Marcadores