II

LA DÉPORTATION EN ESPAGNE

Ces prêtres, ces femmes, ces soldats qui recevaient, en 1793, le baptême du sang, étaient des martyrs : mais martyrs, ils l'étaient aussi, ces déportés, ces exilés, ces persécutés, qui s'en allaient souffrir ou mourir, pour la même cause, sur les plages étrangères.

Il nous serait impossible de reconstituer dans les détails d'histoire de leur longue et douloureuse passion; mais nous pouvons du moins en donner une idée générale et sommaire, en racontant l'exil de deux des plus illustres victimes de cette première déportation : Louis-Marie Baudouin, et Jean Brumauld de Beauregard.

I. — Exil de Louis-Marie Baudouin.

Après avoir célébré la fête de la Nativité de la sainte Vierge, l'abbé Louis-Marie Baudouin s'embarquait aux Sables, le 9 septembre 1792, à bord du navire le Jean-François.

Un registre de la commune des Sables-d'Olonne mentionne comme il suit cet embarquement :

« A 5 heures du soir, s'est présenté à la municipalité François Picard, maître de la barque le Jean-François, de ce port, lequel a dit et déclaré qu'il allait embarquer à son bord, pour conduire à Bilbao ou autre port d'Espagne, le nombre de 75 prêtres non assermentés (1), conformément à son rôle d'équipage, en date de ce jour. Signé, E. Duault. »

« Les rivages de France avaient disparu à l'horizon, nous dit l'auteur de la Vie du R. P. Baudouin, et l'exilé, ne voyant plus autour de lui que le vaste océan, sentait plus vivement, dans cette solitude immense, la douleur de quitter la patrie. Tandis qu'il vogue vers la terre de l'exil, des pensées désolantes viennent assiéger son esprit.

« La France, qui s'était si longtemps glorifiée du titre de Fille aînée de l'Eglise, n'est-elle point séparée pour toujours du centre de l'unité catholique?

« Reverra-t-il jamais le sol natal, ses proches, ses amis, qu'il laisse exposés à tant de périls? »…
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(1) Le registre en compte 76, V. Note II.