V

LES PREMIÈRES VICTIMES DE LA PERSÉCUTION

Pour la noble fermeté de leur attitude en face du prélat schismatique, ces deux saints prêtres eurent l'honneur d'attirer sur eux les premières violences de la persécution en Vendée (2).

Louis-Marie surtout avait fixé sur lui l'attention et la surveillance du pouvoir révolutionnaire, et il eut le privilège d'être le premier prêtre du diocèse incarcéré pour la foi.

Dès le mois de janvier 1791, il s'était désigné lui-même aux sévices des persécuteurs, en accompagnant son refus de serment de la protestation la plus énergique. Les magistrats devant lesquels il comparaissait en furent irrités, et quelques-uns témoignèrent leur colère par d'affreux blasphèmes.

— Messieurs, leur dit le jeune vicaire de Luçon, d'un ton animé, je vois bien que, si vous eussiez fait parti du tribunal qui condamna Jésus-Christ à mort, vous auriez confirmé la sentence.

— Oui, certes, répondit l'un d'eux ; ceux qui le condamnèrent étaient dans la légalité.

Quelques jours après son entrevue avec Rodrigue, à l'hôpital, Louis-Marie Baudouin fut arrêté et conduit au corps de garde, où il passa la nuit.

« Oh ! que cette nuit me parut longue ! écrivait-il. Jamais je n'avais entendu tant de blasphèmes ni tant d'horreurs. Ma présence excitait sans doute la fureur des malheureux qui me gardaient. Dans cette nuit affreuse, je pus me faire une idée de ce que notre bon Sauveur eut à endurer de la part d'une tourbe impie et furieuse, pendant la nuit de sa Passion. »

Le lendemain, après lui avoir infligé de nouveaux outrages, on l'emmène à Fontenay, où il est emprisonné.

C'est de là qu'il écrivait à sa nièce, Mademoiselle Anne Baudouin, une lettre dans laquelle il exprimait son bonheur de souffrir pour la justice.

Puis il lui rappelait l'obligation de fuir tout prêtre assermenté, et de n'avoir de rapport qu'avec les prêtres fidèles.

Le zélé serviteur de Dieu s'efforça de convertir les malfaiteurs avec lesquels il était détenu. Un seul fut touché et donna des marques d'un sincère repentir.

Un des prisonniers fit un jour à l'abbé Baudouin cette confidence : « Nous allons, dit-il, mes camarades et moi, nous évader par un trou que nous avons pratiqué dans le mur. Si vous voulez être de la partie, Monsieur l'abbé, je vous promets de vous mettre en lieu de sûreté. »

— Mon ami, lui répond avec calme le prisonnier de Jésus-Christ, je vous remercie ; j'ai remis mon sort entre les mains de Dieu.

Les prisonniers parvinrent en effet à s'enfuir.

Monsieur Baudouin, accusé d'avoir favorisé leur évasion, devint l'objet d'une surveillance plus active et de nouvelles rigueurs.

La prière était sa douce et ordinaire occupation. Séparé du monde et privé de tout, il passait les jours à s'entretenir avec Dieu.

Il fut aussi consolé et fortifié par la présence des autres prêtres détenus avec lui, et surtout par les discours et les exemples d'un vénérable vieillard, dont il s'était concilié l'affection : c'était Monsieur Herbert, curé de Maillé, qui, depuis, scella de son sang son immuable attachement à la foi (1).

Cependant, les juges déclarèrent qu'il n'y avait pas de motifs suffisants pour prolonger la détention de Monsieur Baudouin. Il est mis en liberté, probablement vers le mois de septembre 1791, et il retourne à Luçon.

Mais le flot de la Révolution montait sans cesse, et la persécution devenait chaque jour plus violente…
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(2) Archives départ, de la Vendée. — Revue du Bas-Poitou, 4e livr.,1897, p. 389.— (1) Vie du R. P. L.-M. Baudouin, T. I, pp. 20-28.