V

Mais nous aurons à fixer spécialement l'attention de nos lecteurs sur une élite dont l'auréole resplendit d'un tel éclat, qu'on ne peut la distinguer de celle qui brille au front des martyrs canonisés par l'Église.

Qu'est-ce qu'un martyr, au sens rigoureux que donnent à cette qualification auguste les Congrégations romaines, dans les procès de canonisation ?

Selon saint Thomas, le martyr proprement dit est celui qui reste inébranlable jusqu'à la mort, dans la vérité et dans la justice contre tous les assauts des persécuteurs (5).

Un martyr, dit le même docteur, c'est un chrétien qui, pour l'amour de Jésus-Christ, supporte tous les tourments qu'on lui inflige, plutôt que de s'écarter du bien qu'il doit accomplir, ou d'acquiescer au mal qu'il doit éviter (1).

Qui pourrait nous dire le nombre des victimes qui ont subi ce martyre de la foi, dans cette arène immense qui fut le théâtre des souffrances de la Vendée, sur les échafauds, dans les prisons, dans les noyades de Nantes, au Champ des martyrs d'Angers, à Quiberon, dans l'expédition d'Outre-Loire, sur les pontons de l'île d'Aix, en Angleterre, en Espagne, sur les flots de l'Océan, et jusque dans les marais infects de la Guyane, à Sinnamary et à Cononama ?

VI

Une catégorie particulièrement intéressante de ces témoins, qui ont confessé la foi en mourant pour elle, non loquendo, sed moriendo confessi sunt, c'est celle des tout jeunes enfants tués pour le Christ; innocentes pro Christo infantes occisi (2).

Or ce tendre troupeau de victimes immolées, cette troupe virginale, que nous pouvons bien nommer gracieusement avec l'Eglise des martyrs en fleur, et des roses naissantes ; ces Innocents parés de leur robe blanche lavée dans le sang de l'Agneau, ces triomphateurs enfantins, sortis de la vapeur de sang de la grande tribulation (3) révolutionnaire, c'est une phalange aussi nombreuse que charmante dans la grande armée de nos martyrs vendéens.

Si la persécution d'Hérode fut un baptême pour les enfants que Rachel pleurait dans Rama, pourquoi la persécution des Danton, des Carrier et des Turreau ne serait-elle pas un martyre pour tout ce jeune peuple d'enfants baptisés, qui ont été massacrés pour la cause de l'Enfant divin de Bethléem ?

« Vous n'aviez pas encore l'âge de croire au Christ mourant du Calvaire, s'écriait saint Augustin, en saluant les palmes de ces gracieux Innocents, mais vous aviez une chair vivante, qui pouvait souffrir et mourir pour le Christ mort pour nous sur la Croix (4). »

Il nous est donc bien permis...

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(5) 2, 2, q. 124, a. 10.
(1) 2, 2, q. 124, a. 5. ad 1um.
(2) Office des saints Innocents.
(3) Ibid.
(4) S. AUGUSTIN, cité par S. THOMAS, 2, 2, q., 124, a, 1, ad 1um.