III
LES INTRUS
C'est en effet l'époque où les prêtres assermentés s'emparaient des églises paroissiales, à l'exclusion des vrais et légitimes pasteurs. C'était le schisme qui s'installait par la force des baïonnettes, à la place de la religion orthodoxe
François-Ambroise Rodrigue (1), curé prieur du Fougeré, élu évêque constitutionnel de la Vendée, le 1er mai 1791, faisait le surlendemain son entrée solennelle à Fontenay. Cette mascarade nous est ainsi racontée par un témoin oculaire (2).
« Le 3 mai 1791, à 10 heures, la municipalité de Fontenay-le-Comte se rend à l'Hôtel-de-Ville Elle y reçoit une députation des électeurs du département, l'invitant à assister à la proclamation de Rodrigue, curé du Fougeré, et qui venait d'arriver.
« Les officiers municipaux et autres corps constitués, se rendent alors à Notre-Dame, pour assister à cette cérémonie.
« Le nouveau prélat, en bottes fortes, la soutane retroussée, un bâton à la, main, suivi d'un domestique tenant un cheval fort maigre, sur lequel étaient attachées des bougettes, venait d'arriver à la barrière de Nantes.
« Moulin de la Vineuse, vice-président de la Société populaire, lui porte alors la parole, au nom des patriotes présents, et lui dépeint les maux qu'engendre le fanatisme en Vendée.
« Pour toute réponse, Rodrigue secoue la tête, hausse les épaules et se remet en selle pour gagner une hôtellerie, où le cortège le suit.
« Sur les 11 heures, l'évêque constitutionnel s'est rendu à Notre-Dame, accompagné de plusieurs électeurs. Il a été reçu à la porte principale, où Quéneau, l'un des commissaires, lui a adressé un compliment, auquel le prélat a répondu.
« Dans le chœur, Goupilleau de Montaigu lui en a adressé un autre, auquel Rodrigue a fait également réponse.
« Ayant ensuite déclaré accepter les fonctions auxquelles il venait d'être appelé, il a été proclamé par le président, au bruit des tambours, des salves d'artillerie et du carillon des cloches.
« Un Te Deum a ensuite été chanté, et la grand'messe célébrée en présence d'une foule immense.
« Après la cérémonie, Rodrigue a été conduit à l'auberge de la Coupe d'or…
_____________________________________________________________________
(1) Rodrigue était né à Nantes, le 10 décembre 1730. Reçu bachelier en théologie, il entra chez les Sulpiciens. En 1772 il était desservant de la Crosnière, petite paroisse aujourd'hui supprimée et réunie à celle de Beauvoir sur Mer. Le 1er mai 1791, il fut nommé évêque constitutionnel de la Vendée par une assemblée électorale tenue à Fontenay, et reçut sacrilègement l'onction épiscopale, le 29 mai de la même année. II abdiqua le 6 décembre 1793, devint président de 1'administration centrale de Luçon, puis juge au tribunal de Fontenay, en avril 1797 — En 1800, il fut nommé président du tribunal et directeur du jury de l'arrondissement de Montaigu. Il mourut à Nantes, le 8 décembre 1813, sans avoir renoncé au schisme.
(2) Journal d'un Fontenaisien pendant la Révolution — Revue du Bas-Poitou, décembre 1889, p 383.
Marcadores